Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/674

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capacités ? Les moyens employés vont directement contre la fin, il a bien certainement créé les plus honnêtes médiocrités qu’un gouvernement ennemi de la supériorité pourrait souhaiter. Veut-il donner une carrière à des intelligences choisies ? Il leur a préparé la condition la plus médiocre : il n’est pas un des hommes sortis des Écoles qui ne regrette, entre cinquante et soixante ans, d’avoir donné dans le piége que cachent les promesses de l’État. Veut-il obtenir des hommes de génie ? Quel immense talent ont produit les Écoles depuis 1790 ? Sans Napoléon, Cachin, l’homme de génie à qui l’on doit Cherbourg, eût-il existé ? Le despotisme impérial l’a distingué, le régime constitutionnel l’aurait étouffé. L’Académie des sciences compte-t-elle beaucoup d’hommes sortis des Écoles spéciales ? Peut-être y en a-t-il deux ou trois ! L’homme de génie se révélera toujours en dehors des Écoles spéciales. Dans les sciences dont s’occupent ces Écoles, le génie n’obéit qu’à ses propres lois, il ne se développe que par des circonstances sur lesquelles l’homme ne peut rien : ni l’État, ni la science de l’homme, l’Anthropologie, ne les connaissent. Riquet, Perronet, Léonard de Vinci, Cachin, Palladio, Brunelleschi, Michel-Ange, Bramante, Vauban, Vicat tiennent leur génie de causes inobservées et préparatoires auxquelles nous donnons le nom de hasard, le grand mot des sots. Jamais, avec ou sans Écoles, ces ouvriers sublimes ne manquent à leurs siècles. Maintenant est-ce que, par cette organisation, l’État gagne des travaux d’utilité publique mieux faits ou à meilleur marché ? D’abord, les entreprises particulières se passent très-bien des ingénieurs ; puis, les travaux de notre gouvernement sont les plus dispendieux et coûtent de plus l’immense état-major des Ponts-et-chaussées. Enfin, dans les autres pays, en Allemagne, en Angleterre, en Italie où ces institutions n’existent pas, les travaux analogues sont au moins aussi bien faits et moins coûteux qu’en France. Ces trois pays se font remarquer par des inventions neuves et utiles en ce genre. Je sais qu’il est de mode, en parlant de nos Écoles, de dire que l’Europe nous les envie ; mais depuis quinze ans, l’Europe qui nous observe n’en a point créé de semblables. L’Angleterre, cette habile calculatrice, a de meilleures Écoles dans sa population ouvrière d’où surgissent des hommes pratiques qui grandissent en un moment quand ils s’élèvent de la Pratique à la Théorie. Sthéphenson et