Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/685

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ment, et l’Histoire lui tiendra compte du courage avec lequel il a résisté à ses meilleurs amis, après avoir sondé la plaie, en avoir reconnu l’étendue et vu la nécessité des moyens curatifs qui n’ont pas été soutenus par ceux pour lesquels il se mettait sur la brèche.

— Hé ! bien, monsieur le curé, vous y allez franchement et sans le moindre déguisement, s’écria Gérard ; mais je ne vous contredirai pas. Napoléon, dans sa campagne de Russie, était de quarante ans en avant sur l’esprit de son siècle, il n’a pas été compris. La Russie et l’Angleterre de 1830 expliquent la campagne de 1812. Charles X a éprouvé le même malheur : dans vingt-cinq ans, ses ordonnances deviendront peut-être des lois.

— La France, pays trop éloquent pour n’être pas bavard, trop plein de vanité pour qu’on y reconnaisse les vrais talents, est, malgré le sublime bon sens de sa langue et de ses masses, le dernier de tous où le système des deux assemblées délibérantes pouvait être admis, reprit le juge de paix. Au moins, les inconvénients de notre caractère devaient-ils être combattus par les admirables restrictions que l’expérience de Napoléon y avait opposées. Ce système peut encore aller dans un pays dont l’action est circonscrite par la nature du sol, comme en Angleterre ; mais le droit d’aînesse, appliqué à la transmission de la terre, est toujours nécessaire, et quand ce droit est supprimé, le système représentatif devient une folie. L’Angleterre doit son existence à la loi quasi féodale qui attribue les terres et l’habitation de la famille aux aînés. La Russie est assise sur le droit féodal pur. Aussi ces deux nations sont-elles aujourd’hui dans une voie de progrès effrayant. L’Autriche n’a pu résister à nos invasions et recommencer la guerre contre Napoléon qu’en vertu de ce droit d’aînesse qui conserve agissantes les forces de la famille et maintient les grandes productions nécessaires à l’État. La maison de Bourbon, en se sentant couler au troisième rang en Europe par la faute de la France, a voulu se maintenir à sa place, et le pays l’a renversée au moment où elle sauvait le pays. Je ne sais où nous fera descendre le système actuel.

— Vienne la guerre, la France sera sans chevaux comme Napoléon en 1813, qui, réduit aux seules ressources de la France, n’a pu profiter des deux victoires de Lutzen et Bautzen, et s’est vu écraser à Leipsick, s’écria Grossetête. Si la paix se maintient, le mal ira croissant : dans vingt-cinq ans d’ici, les races bovine et chevaline auront diminué de moitié en France.