Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/721

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— Il y avait encore cet effort à faire, il est fait, répondit-elle en s’essuyant les yeux. Le démon habitait ce dernier pli de mon cœur, et Dieu, sans doute, a mis au cœur de monsieur de Grandville la pensée qui l’envoie ici. Combien de fois Dieu me frappera-t-il donc encore ? s’écria-t-elle.

Elle s’arrêta comme pour faire une prière mentale, elle revint vers la Sauviat, et lui dit à voix basse : — Ma chère mère, soyez douce et bonne pour monsieur le Procureur-général.

La vieille Auvergnate laissa échapper un frisson de fièvre.

— Il n’y a plus d’espoir, dit-elle en saisissant la main du curé.

En ce moment, la calèche annoncée par le fouet du postillon montait la rampe ; la grille était ouverte, la voiture entra dans la cour, et les voyageurs vinrent aussitôt sur la terrasse. C’était l’illustre archevêque Dutheil, venu pour sacrer monseigneur Gabriel de Rastignac ; le Procureur-général, monsieur Grossetête, et monsieur Roubaud qui donnait le bras à l’un des plus célèbres médecins de Paris, Horace Bianchon.

— Soyez les bien-venus, dit Véronique à ses hôtes. Et vous particulièrement, reprit-elle en tendant la main au Procureur-général, qui lui donna une main qu’elle serra.

L’étonnement de monsieur Grossetête, de l’archevêque et de la Sauviat, fut si grand qu’il l’emporta sur la profonde discrétion acquise qui distingue les vieillards. Tous trois s’entre-regardèrent !…

— Je comptais sur l’intervention de monseigneur, répondit monsieur de Grandville, et sur celle de mon ami monsieur Grossetête, pour obtenir de vous un favorable accueil. C’eût été pour toute ma vie un chagrin que de ne pas vous avoir revue.

— Je remercie celui qui vous a conduit ici, répondit-elle en regardant le comte de Grandville pour la première fois depuis quinze ans. Je vous en ai voulu beaucoup pendant longtemps, mais j’ai reconnu l’injustice de mes sentiments à votre égard, et vous saurez pourquoi, si vous demeurez jusqu’après demain à Montégnac. — Monsieur, dit-elle en se tournant vers Horace Bianchon et le saluant, confirmera sans doute mes appréhensions. — C’est Dieu qui vous envoie, monseigneur, dit-elle en s’inclinant devant l’archevêque. Vous ne refuserez pas à notre vieille amitié de m’assister dans mes derniers moments. Par quelle faveur ai-je autour de moi tous les êtres qui m’ont aimée et soutenue dans la vie !

Au mot aimée, elle se tourna par une gracieuse attention vers