Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ruban le long de sa poche. Après avoir ouvert la porte, Balthazar jeta sa femme sur un canapé, sortit pour empêcher ses gens effrayés de monter en leur donnant l’ordre de promptement servir le dîner, et vint avec empressement retrouver sa femme.

« Qu’as-tu, ma chère vie ? dit-il en s’asseyant près d’elle et lui prenant la main qu’il baisa.

— Mais je n’ai plus rien, répondit-elle, je ne souffre plus ! Seulement, je voudrais avoir la puissance de Dieu pour mettre à tes pieds tout l’or de la terre.

— Pourquoi de l’or », demanda-t-il. Et il attira sa femme sur lui, la pressa et la baisa de nouveau sur le front. « Ne me donnes-tu pas de plus grandes richesses en m’aimant comme tu m’aimes, chère et précieuse créature, reprit-il.

— Oh ! mon Balthazar, pourquoi ne dissiperais-tu pas les angoisses de notre vie à tous, comme tu chasses par ta voix le chagrin de mon cœur. Enfin, je le vois, tu es toujours le même.

— De quelles angoisses parles-tu, ma chère ?

— Mais nous sommes ruinés, mon ami !

— Ruinés », répéta-t-il. Il se mit à sourire, caressa la main de sa femme en la tenant dans les siennes, et dit d’une voix douce qui depuis longtemps ne s’était pas fait entendre : « Mais demain, mon ange, notre fortune sera peut-être sans bornes. Hier en cherchant des secrets bien plus importants, je crois avoir trouvé le moyen de cristalliser le carbone, la substance du diamant. Ô ma chère femme !… dans quelques jours tu me pardonneras mes distractions. Il paraît que je suis distrait quelquefois.

Ne t’ai-je pas brusquée tout à l’heure ? Sois indulgente pour un homme qui n’a jamais cessé de penser à toi, dont les travaux sont tout pleins de toi, de nous.

— Assez, assez, dit-elle, nous causerons de tout cela ce soir, mon ami. Je souffrais par trop de douleur, maintenant je souffre par trop de plaisir. » Elle ne s’attendait pas à revoir cette figure animée par un sentiment aussi tendre. pour elle qu’il l’était jadis, à entendre cette voix toujours aussi douce qu’autrefois, et à retrouver tout ce qu’elle croyait avoir perdu.

« Ce soir, reprit-il, je veux bien, nous causerons.

Si je m’absorbais dans quelque méditation, rappelle-moi cette promesse. Ce soir je veux quitter mes calculs, mes travaux, et me plonger dans