Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/361

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bien jolie aujourd’hui dans cette robe de mousseline, et avec cette ceinture rose. » Puis il la baisa au front et lui serra la main.

« Maman, papa vient de m’embrasser, dit Marguerite en entrant chez sa mère, il paraît bien joyeux, bien heureux !

— Mon enfant, votre père est un bien grand homme, voici bientôt trois ans qu’il travaille pour la gloire et la fortune de sa famille, et il croit avoir atteint le but de ses recherches. Ce jour doit être pour nous tous une belle fête…

— Ma chère maman, répondit Marguerite, nos gens étaient si tristes de le voir renfrogné, que nous ne serons pas seules dans la joie. Oh ! mettez donc une autre ceinture, celle-ci est trop fanée.

— Soit, mais dépêchons-nous, je veux aller parler à Pierquin. Où est-il ?

— Dans le parloir, il s’amuse avec Jean.

— Où sont Gabriel et Félicie ?

— Je les entends dans le jardin.

— Hé bien, descendez vite veiller à ce qu’ils n’y cueillent pas de tulipes ! votre père ne les a pas encore vues de cette année, et il pourrait aujourd’hui vouloir les regarder en sortant de table.

Dites à Mulquinier de monter à votre père tout ce dont il a besoin pour sa toilette. » Quand Marguerite fut sortie, Mme Claës jeta un coup d’œil à ses enfants par les fenêtres de sa chambre qui donnaient sur le jardin, et les vit occupés à regarder un de ces insectes à ailes vertes, luisantes et tachetées d’or vulgairement appelés des couturières.

« Soyez sages, mes bien-aimés », dit-elle en faisant remonter une partie du vitrage qui était à coulisse et qu’elle arrêta pour aérer sa chambre.

Puis elle frappa doucement à la porte de communication pour s’assurer que son mari n’était pas retombé dans quelque distraction. Il ouvrit et elle lui dit d’un accent joyeux en le voyant déshabillé :

« Tu ne me laisseras pas longtemps seule avec Pierquin, n’est-ce pas ? Tu me rejoindras promptement. » Elle se trouva si leste pour descendre, qu’en l’entendant, un étranger n’aurait pas reconnu le pas d’une boiteuse.

« Monsieur en emportant madame, lui dit le valet de chambre qu’elle rencontra dans l’escalier, a déchiré la robe, ce n’est qu’un méchant bout d’étoffe ; mais il a brisé la mâchoire de cette figure,