Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/377

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hommes, traverse l’Europe au gré d’une puissance à laquelle j’obéis en la méprisant. Mon âme n’a nulle conscience de ces actes, elle reste fixe, plongée dans une idée, engourdie par cette idée, la recherche de l’Absolu, de ce principe par lequel des graines, absolument semblables, mises dans un même milieu, donnent, l’une des calices blancs, l’autre des calices jaunes !

Phénomène applicable aux vers à soie qui, nourris des mêmes feuilles et constitués sans différences apparentes, font les uns de la soie jaune, et les autres de la soie blanche ; enfin applicable à l’homme lui-même qui souvent a légitimement des enfants entièrement dissemblables avec la mère et lui. La déduction logique de ce fait n’implique-t-elle pas d’ailleurs la raison de tous les effets de la nature ? Hé ! quoi de plus conforme à nos idées sur Dieu que de croire qu’il a tout fait par le moyen le plus simple ! L’adoration pythagoricienne pour le UN d’où sortent tous les nombres et qui représente la matière une ; celle pour le nombre DEUX, la première agrégation et le type de toutes les autres celle pour le nombre TROIS, qui, de tout temps, a configuré Dieu, c’est-à-dire la Matière, la Force et le Produit, ne résumaient-elles pas traditionnellement la connaissance confuse de l’Absolu ? Stahl, Becher, Paracelse, Agrippa, tous les grands chercheurs de causes occultes avaient pour mot d’ordre le Trismégiste, qui veut dire le grand Temaire. Les ignorants, habitués à condamner l’alchimie, cette chimie transcendante, ne savent sans doute pas que nous nous occupons à justifier les recherches passionnées de ces grands hommes ! L’Absolu trouvé, je me serais alors colleté avec le Mouvement. Ah ! tandis que je me nourris de poudre, et commande à des hommes de mourir assez inutilement, mon ancien maître entasse découvertes sur découvertes, il vole vers l’Absolu ! Et moi ! je mourrai comme un chien, au coin d’une batterie. « Quand ce pauvre grand homme eut repris un peu de calme, il me dit avec une sorte de fraternité touchante : "Si je trouvais une expérience à faire je vous la léguerais avant de mourir." Ma Pépita, dit Balthazar en serrant la main de sa femme, des larmes de rage ont coulé sur les joues creuses de cet homme pendant qu’il jetait dans mon âme le feu de ce raisonnement que déjà Lavoisier s’était timidement fait, sans oser s’y abandonner ?

— Comment, s’écria Mme Claës, qui ne put s’empêcher d’interrompre son mari, cet homme, en passant une nuit sous notre toit, nous a enlevé tes affections, a détruit, par une seule