Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/452

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son mari cette fortune de vanité que souhaitent tous les parvenus. Pierquin revint donc chez les Claës avec une secrète intention de faire les sacrifices nécessaires pour arriver à la conclusion d’un mariage qui réalisait désormais toutes ses ambitions. Il tint compagnie à Balthazar et à Félicie pendant l’absence de Marguerite, mais il reconnut tardivement un concurrent redoutable dans Emmanuel de Solis. La succession du défunt abbé passait pour être considérable ; et, aux yeux d’un homme qui chiffrait naïvement toutes les choses de la vie, le jeune héritier paraissait plus puissant par son argent que par les séductions du cœur dont ne s’inquiétait jamais Pierquin. Cette fortune rendait au nom de Solis toute sa valeur.

L’or et la noblesse étaient comme deux lustres qui, s’éclairant l’un par l’autre, redoublaient d’éclat.

L’affection sincère que le jeune proviseur témoignait à Félicie, qu’il traitait comme une sœur, excita l’émulation du notaire. Il essaya d’éclipser Emmanuel en mêlant le jargon à la mode et les expressions d’une galanterie superficielle aux airs rêveurs, aux élégies soucieuses qui allaient si bien à sa physionomie. En se disant désenchanté de tout au monde, il tournait les yeux vers Félicie de manière à lui faire croire qu’elle seule pourrait le réconcilier avec la vie. Félicie, à qui pour la première fois un homme adressait des compliments, écouta ce langage toujours si doux, même quand il est mensonger ; elle prit le vide pour de la profondeur, et, dans le besoin qui l’oppressait de fixer les sentiments vagues dont surabondait son cœur, elle s’occupa de son cousin.

Jalouse, à son insu peut-être, des attentions amoureuses qu’Emmanuel prodiguait à sa sœur, elle voulait sans doute se voir, comme elle, l’objet des regards, des pensées et des soins d’un homme.

Pierquin démêla facilement la préférence que Félicie lui accordait sur Emmanuel, et ce fut pour lui une raison de persister dans ses efforts, en sorte qu’il s’engagea plus qu’il ne le voulait. Emmanuel surveilla les commencements de cette passion fausse peut-être chez le notaire, naïve chez Félicie dont l’avenir était en jeu. Il s’ensuivit, entre la cousine et le cousin, quelques causeries douces, quelques mots dits à voix basse en arrière d’Emmanue], enfin de ces petites tromperies qui donnent à un regard, à une parole une expression dont la douceur insidieuse peut causer d’innocentes erreurs. À la faveur du commerce que Pierquin entretenait avec Félicie, il essaya de pénétrer le secret du voyage entrepris par Marguerite, afin de savoir s’il s’agissait de mariage