tient l’épicerie en gros, et qui nous a fourni des potasses caustiques, du plomb, du zinc, et des réactifs.
— Est-ce tout ? » dit Marguerite.
Balthazar réitéra un signe affirmatif à Lemulquinier qui, fasciné par son maître, répondit :
« oui, mademoiselle.
— Hé bien, reprit-elle, je vais vous les remettre. » Balthazar embrassa joyeusement sa fille en lui disant : « Tu es un ange pour moi, mon enfant. » Et il respira plus à l’aise, en la regardant d’un œil moins triste, mais, malgré cette joie, Marguerite aperçut facilement sur son visage les signes d’une profonde inquiétude, et jugea que ces mille écus constituaient seulement les dettes criardes du laboratoire.
« Soyez franc, mon père, dit-elle en se laissant asseoir sur ses genoux par lui, vous devez encore quelque chose ? Avouez-moi tout, revenez dans votre maison sans conserver un principe de crainte au milieu de la joie générale.
— Ma chère Marguerite, dit-il en lui prenant les mains et les lui baisant avec une grâce qui semblait être un souvenir de sa jeunesse, tu me gronderas…
— Non, dit-elle.
— Vrai, répondit-il en laissant échapper un geste de joie enfantine, je puis donc tout te dire, tu paieras…
— Oui, dit-elle en réprimant des larmes qui lui venaient aux yeux.
— Hé ! bien, je dois… oh ! je n’ose pas…
— Mais dites donc, mon père !
— C’est considérable », reprit-il.
Elle joignit les mains par un mouvement de désespoir.
« Je dois trente mille francs à MM. Protez et Chiffreville.
— Trente mille francs, dit-elle, sont mes économies, mais j’ai du plaisir à vous les offrir », ajouta-t-elle en lui baisant le front avec respect.
Il se leva, prit sa fille dans ses bras, et tourna tout autour de sa chambre en la faisant sauter comme un enfant ; puis, il la remit sur le fauteuil où elle était, en s’écriant : « Ma chère enfant, tu es un trésor d’amour ! Je ne vivais plus. Les Chiffreville m’ont écrit trois lettres menaçantes et voulaient me poursuivre, moi qui leur ai fait faire une fortune.