Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/100

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— Espérez, lui dit Andrea. Peut-être êtes-vous arrivé au terme de vos épreuves. En attendant que mes efforts, unis aux vôtres, aient mis vos travaux en lumière, permettez à un compatriote, à un artiste comme vous, de vous offrir quelques avances sur l’infaillible succès de votre partition.

— Tout ce qui rentre dans les conditions de la vie matérielle est du ressort de ma femme, lui répondit Gambara ; elle décidera de ce que nous pouvons accepter sans rougir d’un galant homme tel que vous paraissez l’être. Pour moi, qui depuis longtemps ne me suis laissé aller à de si longues confidences, je vous demande la permission de vous quitter. Je vois une mélodie qui m’invite, elle passe et danse devant moi, nue et frissonnant comme une belle fille qui demande à son amant les vêtements qu’il tient cachés. Adieu, il faut que j’aille habiller une maîtresse, je vous laisse ma femme.

Il s’échappa comme un homme qui se reprochait d’avoir perdu un temps précieux, et Marianna embarrassée voulut le suivre ; Andrea n’osait la retenir, Giardini vint à leur secours à tous deux.

— Vous avez entendu, signorina, dit-il. Votre mari vous a laissé plus d’une affaire à régler avec le seigneur comte.

Marianna se rassit, mais sans lever les yeux sur Andrea, qui hésitait à lui parler.

— La confiance du signor Gambara, dit Andrea d’une voix émue, ne me vaudra-t-elle pas celle de sa femme ! la belle Marianna refusera-t-elle de me faire connaître l’histoire de sa vie ?

— Ma vie, répondit Marianna, ma vie est celle des lierres. Si vous voulez connaître l’histoire de mon cœur, il faut me croire aussi exempte d’orgueil que dépourvue de modestie pour m’en demander le récit après ce que vous venez d’entendre.

— Et à qui le demanderai-je ? s’écria le comte chez qui la passion éteignait déjà tout esprit.

— A vous-même, répliqua Marianna. Ou vous m’avez déjà comprise, ou vous ne me comprendrez jamais. Essayez de vous interroger.

— J’y consens, mais vous m’écouterez. Cette main que je vous ai prise, vous la laisserez dans la mienne aussi longtemps que mon récit sera fidèle.

— J’écoute, dit Marianna.

— La vie d’une femme commence à sa première passion, dit An-