Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/124

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Le ciel est avec moi ! L’Enfer et la Croix sont en présence. Viennent les menaces de Bertram à Alice, le plus violent pathétique du monde, le génie du mal s’étalant avec complaisance et s’appuyant comme toujours sur l’intérêt personnel. L’arrivée de Robert, qui nous donne le magnifique trio en la bémol sans accompagnement, établit un premier engagement entre les deux forces rivales et l’homme. Voyez comme il se produit nettement, dit Gambara en resserrant cette scène par une exécution passionnée qui saisit Andrea. Toute cette avalanche de musique, depuis les quatre temps de timbale, a roulé vers ce combat des trois voix. La magie du mal triomphe ! Alice s’enfuit, et vous entendez le duo en ré entre Bertram et Robert, le diable lui enfonce ses griffes au cœur, il le lui déchire pour se le mieux approprier ; il se sert de tout : honneur, espoir, jouissances éternelles et infinies, il fait tout briller à ses yeux ; il le met, comme Jésus, sur le pinacle du temple, et lui montre tous les joyaux de la terre, l’écrin du mal ; il le pique au jeu du courage, et les beaux sentiments de l’homme éclatent dans ce cri :

Des chevaliers de ma patrie

L’honneur toujours fut le soutien !

Enfin, pour couronner l’œuvre, voilà le thème qui a si fatalement ouvert l’opéra, le voilà, ce chant principal, dans la magnifique évocation des âmes :

Nonnes, qui reposez sous cette froide pierre,

M’entendez-vous ?

Glorieusement parcourue, la carrière musicale est glorieusement terminée par l’allegro vivace de la bacchanale en ré mineur. Voici bien le triomphe de l’Enfer ! Roule, musique, enveloppe-nous de tes plis redoublés, roule et séduis ! Les puissances infernales ont saisi leur proie, elles la tiennent, elles dansent. Ce beau génie destiné à vaincre, à régner, le voilà perdu ! les démons sont joyeux, la misère étouffera le génie, la passion perdra le chevalier.

Ici Gambara développa la bacchanale pour son propre compte, en improvisant d’ingénieuses variations et s’accompagnant d’une voix mélancolique, comme pour exprimer les intimes souffrances qu’il avait ressenties.

— Entendez-vous les plaintes célestes de l’amour négligé ? re-