Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/360

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Alors il se mit à voler sa mère, qui n’osait en rien dire à son mari. Cambremer était un homme probe à faire vingt lieues pour rendre à quelqu’un deux sous qu’on lui aurait donnés de trop dans un compte. Enfin, un jour, la mère fut dépouillée de tout. Pendant une pêche de son père, le fils emporta le buffet, la mette, les draps, le linge, ne laissa que les quatre murs, il avait tout vendu pour aller faire ses frigousses à Nantes. La pauvre femme en a pleuré pendant des jours et des nuits. Fallait dire ça au père à son retour, elle craignait le père, pas pour elle, allez ! Quand Pierre Cambremer revint, qu’il vit sa maison garnie des meubles que l’on avait prêtés à sa femme, il dit : Qu’est-ce que c’est que ça ? La pauvre femme était plus morte que vive, elle dit : — Nous avons été volés. — Où donc est Jacques ? — Jacques, il est en riolle ! Personne ne savait où le drôle était allé. — Il s’amuse trop ! dit Pierre. Six mois après, le pauvre père sut que son fils allait être pris par la justice à Nantes. Il fait la route à pied, y va plus vite que par mer, met la main sur son fils, et l’amène ici. Il ne lui demanda pas : Qu’as-tu fait ? Il lui dit : Si tu ne te tiens pas sage deux ans ici avec ta mère et avec moi, allant à la pêche et te conduisant comme un honnête homme, tu auras affaire à moi. L’enragé, comptant sur la bêtise de ses père et mère, lui a fait la grimace. Pierre, là-dessus, lui flanque une mornifle qui vous a mis Jacques au lit pour six mois. La pauvre mère se mourait de chagrin. Un soir, elle dormait paisiblement à côté de son mari, elle entend du bruit, se lève, elle reçoit un coup de couteau dans le bras. Elle crie, on cherche de la lumière. Pierre Cambremer voit sa femme blessée ; il croit que c’est un voleur, comme s’il y en avait dans notre pays, où l’on peut porter sans crainte dix mille francs en or, du Croisic à Saint-Nazaire, sans avoir à s’entendre demander ce qu’on a sous le bras. Pierre cherche Jacques, il ne trouve point son fils. Le matin ce monstre-là n’a-t-il pas eu le front de revenir en disant qu’il était allé à Batz. Faut vous dire que sa mère ne savait où cacher son argent. Cambremer, lui, mettait le sien chez monsieur Dupotet du Croisic. Les folies de leur fils leur avaient mangé des cent écus, des cent francs, des louis d’or, ils étaient quasiment ruinés, et c’était dur pour des gens qui avaient aux environs de douze mille livres, compris leur îlot. Personne ne sait ce que Cambremer a donné à Nantes pour ravoir son fils. Le guignon ravageait la famille. Il était arrivé des malheurs au frère de Cambremer, qui avait besoin de secours.