Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/362

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devant ton père et ta mère que tu as offensés, et qui ont à te juger. Jacques se mit à beugler, parce que la figure de Cambremer était tortillée d’une singulière manière. La mère était roide comme une rame. — Si tu cries, si tu bouges, si tu ne te tiens pas comme un mât sur ton escabeau, dit Pierre en l’ajustant avec son fusil, je te tue comme un chien. Le fils devint muet comme un poisson ; la mère n’a rin dit. — Voilà, dit Pierre à son fils, un papier qui enveloppait une pièce d’or espagnole ; la pièce d’or était dans le lit de ta mère ; ta mère seule savait l’endroit où elle l’avait mise ; j’ai trouvé le papier sur l’eau en abordant ici ; tu viens de donner ce soir cette pièce d’or espagnole à la mère Fleurant, et ta mère n’a plus vu sa pièce dans son lit. Explique-toi. Jacques dit qu’il n’avait pas pris la pièce de sa mère, et que cette pièce lui était restée de Nantes. — Tant mieux, dit Pierre. Comment peux-tu nous prouver cela ? — Je l’avais. — Tu n’as pas pris celle de ta mère ? — Non. — Peux-tu le jurer sur ta vie éternelle ? Il allait le jurer ; sa mère leva les yeux sur lui et lui dit : — Jacques, mon enfant, prends garde, ne jure pas si ça n’est pas vrai ; tu peux t’amender, te repentir ; il est temps encore. Et elle pleura. — Vous êtes une ci et une ça, lui dit-il, qu’avez toujours voulu ma perte. Cambremer pâlit et dit : — Ce que tu viens de dire à ta mère grossira ton compte. Allons au fait. Jures-tu ? — Oui. — Tiens, dit-il, y avait-il sur ta pièce cette croix que le marchand de sardines qui me l’a donnée avait faite sur la nôtre ? Jacques se dégrisa et pleura. — Assez causé, dit Pierre. Je ne te parle pas de ce que tu as fait avant cela, je ne veux pas qu’un Cambremer soit fait mourir sur la place du Croisic. Fais tes prières, et dépêchons-nous ! Il va venir un prêtre pour te confesser. La mère était sortie, pour ne pas entendre condamner son fils. Quand elle fut dehors, Cambremer l’oncle vint avec le recteur de Piriac, auquel Jacques ne voulut rien dire. Il était malin, il connaissait assez son père pour savoir qu’il ne le tuerait pas sans confession. — Merci, excusez-nous, monsieur, dit Cambremer au prêtre, quand il vit l’obstination de Jacques. Je voulais donner une leçon à mon fils et vous prier de n’en rien dire. — Toi, dit-il à Jacques, si tu ne t’amendes pas, la première fois ce sera pour de bon, et j’en finirai sans confession. Il l’envoya se coucher. L’enfant crut cela et s’imagina qu’il pourrait se remettre avec son père. Il dormit. Le père veilla. Quand il vit son fils au fin fond de son sommeil, il lui couvrit la bouche