Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’âme de Prosper Magnan, de Walhenfer, de Taillefer ? nous sommes en plein dix-neuvième siècle. Bâtir un hospice ou instituer un prix de vertu, le prix de vertu sera donné à des fripons. Quant à la plupart de nos hôpitaux, ils me semblent devenus aujourd’hui les protecteurs du vice ! D’ailleurs ces placements plus ou moins profitables à la vanité constitueront-ils des réparations ? et les dois-je ? Puis j’aime, et j’aime avec passion. Mon amour est ma vie ! Si je propose sans motif à une jeune fille habituée au luxe, à l’élégance, à une vie fertile en jouissances d’arts, à une jeune fille qui aime à écouter paresseusement aux Bouffons la musique de Rossini, si donc je lui propose de se priver de quinze cent mille francs en faveur de vieillards stupides ou de galeux chimériques, elle me tournera le dos en riant, ou sa femme de confiance me prendra pour un mauvais plaisant ; si, dans une extase d’amour, je lui vante les charmes d’une vie médiocre et ma petite maison sur les bords de la Loire, si je lui demande le sacrifice de sa vie parisienne au nom de notre amour, ce sera d’abord un vertueux mensonge ; puis, je ferai peut-être là quelque triste expérience, et perdrai le cœur de cette jeune fille, amoureuse du bal, folle de parure, et de moi pour le moment. Elle me sera enlevée par un officier mince et pimpant, qui aura une moustache bien frisée, jouera du piano, vantera lord Byron, et montera joliment à cheval. Que faire ? Messieurs, de grâce, un conseil ?…

L’honnête homme, cette espèce de puritain assez semblable au père de Jenny Deans, de qui je vous ai déjà parlé, et qui jusque-là n’avait soufflé mot, haussa les épaules en me disant : — Imbécile, pourquoi lui as-tu demandé s’il était de Beauvais !

Paris, mai 1831.