Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix des enfants de chœur et les larges accents de quelques basses-tailles suscitèrent des idées gracieuses, peignirent l’enfance et la force, dans ce ravissant concert de voix humaines confondues en sentiment d’amour.

Te Deum laudamus !

Du sein de cette cathédrale noire de femmes et d’hommes agenouillés, ce chant partit semblable à une lumière qui scintille tout à coup dans la nuit, et le silence fut rompu comme par un coup de tonnerre. Les voix montèrent avec les nuages d’encens qui jetaient alors des voiles diaphanes et bleuâtres sur les fantastiques merveilles de l’architecture. Tout était richesse, parfum, lumière et mélodie. Au moment où cette musique d’amour et de reconnaissance s’élança vers l’autel, don Juan, trop poli pour ne pas remercier, trop spirituel pour ne pas entendre raillerie, répondit par un rire effrayant, et se prélassa dans sa châsse. Mais le diable l’ayant fait penser à la chance qu’il courait d’être pris pour un homme ordinaire, pour un saint, un Boniface, un Pantaléon, il troubla cette mélodie d’amour par un hurlement auquel se joignirent les mille voix de l’enfer. La terre bénissait, le ciel maudissait. L’église en trembla sur ses fondements antiques.

Te Deum laudamus ! disait l’assemblée.

— Allez à tous les diables, bêtes brutes que vous êtes ! Dieu, Dieu ! Carajos demonios, animaux, êtes-vous stupides avec votre Dieu-vieillard !

Et un torrent d’imprécations se déroula comme un ruisseau de laves brûlantes par une éruption du Vésuve.

Deus sabaoth ! sabaoth ! crièrent les chrétiens.

— Vous insultez la majesté de l’enfer ! répondit don Juan dont la bouche grinçait des dents.

Bientôt le bras vivant put passer par-dessus la châsse, et menaça l’assemblée par des gestes empreints de désespoir et d’ironie.

— Le saint nous bénit, dirent les vieilles femmes, les enfants et les fiancés, gens crédules.

Voilà comment nous sommes souvent trompés dans nos adorations. L’homme supérieur se moque de ceux qui le complimentent, et complimente quelquefois ceux dont il se moque au fond du cœur.

Au moment où l’abbé, prosterné devant l’autel, chantait : —