Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/455

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aujourd’hui la largeur et la profondeur énormes. A une époque où le pouvoir de l’artillerie était à sa naissance, la position du Plessis, dès longtemps choisie par Louis XI pour sa retraite, pouvait alors être regardée comme inexpugnable. Le château, bâti de briques et de pierres, n’avait rien de remarquable ; mais il était entouré de beaux ombrages ; et, de ses fenêtres, l’on découvrait par les percées du parc (Plexitium) les plus beaux points de vue du monde. Du reste, nulle maison rivale ne s’élevait auprès de ce château solitaire, placé précisément au centre de la petite plaine réservée au roi par quatre redoutables enceintes d’eau. S’il faut en croire les traditions, Louis XI occupait l’aile occidentale, et, de sa chambre, il pouvait voir, tout à la fois le cours de la Loire, de l’autre côté du fleuve, la jolie vallée qu’arrose la Choisille et une partie des coteaux de Saint-Cyr ; puis, par les croisées qui donnaient sur la cour, il embrassait l’entrée de sa forteresse et la levée par laquelle il avait joint sa demeure favorite à la ville de Tours. Le caractère défiant de ce monarque donne de la solidité à ces conjectures. D’ailleurs, si Louis XI eût répandu dans la construction de son château le luxe d’architecture que, plus tard, déploya François Ier à Chambord, la demeure des rois de France eût été pour toujours acquise à la Touraine. Il suffit d’aller voir cette admirable position et ses magiques aspects pour être convaincu de sa supériorité sur tous les sites des autres maisons royales.

Louis XI, arrivé à la cinquante-septième année de son âge, avait alors à peine trois ans à vivre, il sentait déjà les approches de la mort aux coups que lui portait la maladie. Délivré de ses ennemis, sur le point d’augmenter la France de toutes les possessions des ducs de Bourgogne, à la faveur d’un mariage entre le dauphin et Marguerite, héritière de Bourgogne, ménagé par les soins de Desquerdes, le commandant de ses troupes en Flandre ; ayant établi son autorité partout, méditant les plus heureuses améliorations, il voyait le temps lui échapper, et n’avait plus que les malheurs de son âge. Trompé par tout le monde, même par ses créatures, l’expérience avait encore augmenté sa défiance naturelle. Le désir de vivre devenait en lui l’égoïsme d’un roi qui s’était incarné à son peuple, et il voulait prolonger sa vie pour achever de vastes desseins. Tout ce que le bon sens des publicistes et le génie des révolutions a introduit de changements dans la monarchie, Louis XI le pensa. L’unité de l’impôt, l’égalité des sujets devant la loi (alors le prince était la loi),