Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/507

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nommé Jean Voûté, publia un recueil de poésies latines où se trouvent trois épigrammes contre elle. Il faut croire que le poète était assuré de quelque haute protection, car son recueil est précédé de son éloge fait par Salmon Macrin, premier valet de chambre du roi. Voici le seul passage, citable aujourd’hui, de ces épigrammes intitulées : In Pictaviam, anum aulicam. (Contre la Poitiers, vieille femme de cour).

Non trahit esca ficta prædam.

« Un appât peint n’attrape point de gibier, » dit le poète, après lui avoir dit qu’elle se peignait le visage, qu’elle achetait ses dents et ses cheveux. « Et tu achèterais, dit-il, le superfin de ce qui constitue la femme, que tu n’obtiendrais pas encore ce que tu veux de ton amant, car il faudrait être en vie, et tu es morte. »

Ce recueil, imprimé chez Simon de Colines, était dédié À UN ÉVÊQUE !… à François Bohier, le frère de celui qui, pour sauver son crédit à la cour et racheter son crime, offrit à l’avènement de Henri II, le château de Chenonceaux, bâti par son père Thomas Bohier, conseiller d’État sous quatre rois : Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier. Qu’étaient les pamphlets publiés contre madame de Pompadour et contre Marie-Antoinette, comparés à des vers qu’on dirait écrits par Martial ? Ce Voûté dut mal finir. Ainsi la terre et le château de Chenonceaux ne coûtaient à Diane que le pardon d’une injure ordonné par l’Évangile ! Pour ne pas être décrétées par un jury, les amendes infligées à la Presse étaient un peu plus dures que celles d’aujourd’hui.

Les reines de France, devenues veuves, devaient rester dans la chambre du roi pendant quarante jours, sans voir d’autre clarté que celle des cierges ; elles n’en sortaient qu’après l’enterrement du roi. Cette coutume inviolable contrariait fort Catherine qui craignit les brigues, elle trouva moyen de s’en dispenser. Voici comment. Le cardinal de Lorraine sortant un jour (dans ce temps-là ! dans ce moment !) de grand matin de chez la Belle Romaine, une célèbre courtisane du temps de Henri II, qui demeurait rue Culture-Sainte-Catherine, fut maltraité par une troupe de libertins. « De quoi Sa Sainteté très-étonnée, » dit Henri Estienne, fit entendre que les hérétiques lui dressaient des embûches ; et pour ce fait, la cour alla de Paris à Saint-Germain. La reine ne voulut pas abandonner le roi son fils, et s’y transporta.