Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/537

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La conversation resta dès lors sur un terrain de lieux communs, au grand contentement de l’orfévre qui n’aimait ni les troubles politiques, ni les hardiesses de pensée.

Maintenant, suivons Christophe ?

Les rives de la Loire, depuis Blois jusqu’à Angers, ont été l’objet de la prédilection des deux dernières branches de la race royale qui occupèrent le trône avant la maison de Bourbon. Ce beau bassin mérite si bien les honneurs que lui ont faits les rois, que voici ce qu’en disait naguère l’un de nos plus élégants écrivains :

« Il existe en France une province qu’on n’admire jamais assez. Parfumée comme l’Italie, fleurie comme les rives du Guadalquivir, et belle, en outre, de sa physionomie particulière, toute Française, ayant toujours été Française, contrairement à nos provinces du Nord abâtardies par le contact allemand, et à nos provinces du Midi qui ont vécu en concubinage avec les Maures, les Espagnols et tous les peuples qui en ont voulu ; cette province pure, chaste, brave et loyale, c’est la Touraine ! La France historique est là ! L’Auvergne est l’Auvergne, le Languedoc n’est que le Languedoc ; mais la Touraine est la France, et le fleuve le plus national pour nous est la Loire qui arrose la Touraine. On doit dès lors moins s’étonner de la quantité de monuments enfermés dans les départements qui ont pris le nom et les dérivations du nom de la Loire. À chaque pas qu’on fait dans ce pays d’enchantements, on découvre un tableau dont la bordure est une rivière ou un ovale tranquille qui réfléchit dans ses profondeurs liquides un château, ses tourelles, ses bois, ses eaux jaillissantes. Il était naturel que là où vivait de préférence la Royauté, où elle établit si longtemps sa cour, vinssent se grouper les hautes fortunes, les distinctions de race et de mérite, et qu’elles s’y élevassent des palais grands comme elles. »

N’est-il pas incompréhensible que la Royauté n’ait point suivi l’avis indirectement donné par Louis XI de placer à Tours la capitale du royaume. Là, sans de grandes dépenses, la Loire pouvait être rendue accessible aux vaisseaux de commerce et aux bâtiments de guerre légers. Là, le siége du gouvernement eut été à l’abri des coups de main d’une invasion. Les places du Nord n’eussent pas alors demandé tant d’argent pour leurs fortifications aussi coûteuses à elles seules que l’ont été les somptuosités de Versailles. Si Louis XIV avait écouté le conseil de Vauban, qui voulait lui bâtir