Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/563

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connaissait-il de la royauté que les plaisirs, et du mariage que les voluptés d’une première passion. Chacun faisait en réalité la cour à la reine Marie, à son oncle le cardinal Lorraine et au Grand-Maître.

Ce mouvement eut lieu devant Christophe, qui étudiait l’arrivée de chaque personnage avec une avidité bien naturelle. Une magnifique portière de chaque côté de laquelle se tenaient deux pages et deux gardes de la compagnie écossaise, alors de service, lui indiquait l’entrée de cette chambre royale, si fatale au fils du Grand-Maître actuel, le second Balafré, qui vint expirer au pied du lit alors occupé par Marie Stuart et par François II. Les filles d’honneur de la reine occupaient la cheminée opposée à celle où Christophe causait toujours avec le capitaine des gardes. Par sa situation, cette seconde cheminée était la cheminée d’honneur, car elle est pratiquée dans le gros mur de la salle du Conseil, entre la porte de la chambre royale et celle du Conseil, en sorte que les filles et les seigneurs qui avaient le droit d’être là, se trouvaient sur le passage du roi et des reines. Les courtisans étaient certains de voir Catherine, car ses filles d’honneur, en deuil comme toute la cour, montèrent de chez elle, conduites par la comtesse de Fiesque, et prirent leur place du côté de la salle du Conseil, en face des filles de la jeune reine amenées par la duchesse de Guise, et qui occupaient le coin opposé, du côté de la chambre royale. Les courtisans laissaient entre ces demoiselles, qui appartenaient aux premières familles du royaume, un espace de quelques pas que les plus grands seigneurs avaient seuls la permission de franchir. La comtesse de Fiesque et la duchesse de Guise étaient, selon le droit de leurs charges, assises au milieu de ces nobles filles qui toutes restaient debout. L’un des premiers qui vint se mêler à ces deux escadrons si dangereux fut le duc d’Orléans, frère du roi, qui descendit de son appartement situé au-dessus, et qu’accompagnait monsieur de Cypierre, son gouverneur. Ce jeune prince, qui, avant la fin de cette année, devait régner sous le nom de Charles IX, alors âgé de dix ans, était d’une excessive timidité. Le duc d’Anjou et le duc d’Alençon, ses deux frères, ainsi que la princesse Marguerite qui fut la femme de Henri IV, encore trop jeunes pour venir à la cour, restaient sous la conduite de leur mère dans ses appartements. Le duc d’Orléans, richement vêtu, selon la mode du temps, d’un haut-de-chausses en soie, d’un justaucorps de drap d’or orné de fleurs