Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/574

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pour résultat d’attirer les yeux de toute cette brillante assemblée sur Christophe, sur sa piètre mine et ses paquets, lui dit : — Messeigneurs le cardinal de Lorraine et le Grand-Maître vous mandent pour parler à vous dans la salle du conseil.

— Aurais-je été trahi ? se demanda le frêle ambassadeur des Réformés.

Christophe suivit l’huissier en baissant les yeux, et ne les leva qu’en se trouvant dans l’immense salle du conseil, dont l’étendue est presque égale à celle de la salle des gardes. Les deux princes lorrains y étaient seuls debout devant la magnifique cheminée adossée à celle où, dans la salle des gardes, se tenaient les filles des deux reines.

— Tu viens de Paris, quelle route as-tu donc prise ? dit le cardinal à Christophe.

— Je suis venu par eau, monseigneur, répondit le Réformé.

— Comment es-tu donc entré dans Blois, dit le Grand-Maître.

— Par le port, monseigneur.

— Personne ne t’a inquiété ? fit le duc qui ne cessait d’examiner le jeune homme.

— Non, monseigneur. Au premier soldat qui a fait mine de m’arrêter, j’ai dit que je venais pour le service des deux reines, de qui mon père est le pelletier.

— Que faisait-on à Paris ? demanda le cardinal.

— On recherchait toujours l’auteur du meurtre commis sur le président Minard.

— N’es-tu pas le fils du plus grand ami de mon chirurgien ? dit le duc de Guise trompé par la candeur que Christophe exprimait, une fois son trouble apaisé.

— Oui, monseigneur.

Le Grand-Maître sortit, souleva brusquement la portière qui cachait la double porte de la salle du conseil, et montra sa figure à toute cette audience au milieu de laquelle il chercha le premier chirurgien du roi. Ambroise, debout dans un coin, fut frappé par une œillade que le duc lui lança, et vint à lui. Ambroise, qui inclinait déjà vers la religion réformée, finit par l’adopter ; mais l’amitié des Guise et celle des rois de France le garantit de tous les malheurs qui atteignirent les Réformés. Le duc, qui se regardait comme obligé de la vie envers Ambroise Paré, l’avait fait nommer premier chirurgien du roi depuis quelques jours.