Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/597

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En transportant la cour au château d’Amboise, les deux princes lorrains n’espéraient pas y voir le chef du parti de la Réformation, le prince de Condé qu’ils y avaient fait mander par le roi, pour lui tendre un piége. Comme vassal de la couronne et comme prince du sang, Condé devait obéir aux mandements du roi. Ne pas venir à Amboise constituait un crime de félonie ; mais en y venant, il se mettait à la disposition de la couronne. Or, en ce moment, la couronne, le conseil, la cour, tous les pouvoirs étaient réunis entre les mains du duc de Guise et du cardinal de Lorraine. Le prince de Condé montra, dans cette conjoncture si délicate, l’esprit de décision et la ruse qui firent de lui le digne interprète de Jeanne d’Albret et le valeureux général des Réformés. Il voyagea sur les derrières des conjurés à Vendôme, afin de les appuyer en cas de succès. Quand cette première prise d’armes fut terminée par la courte échauffourée où périt la fleur de la noblesse égarée par Calvin, le prince arriva, suivi de cinquante gentilshommes, au château d’Amboise, le lendemain même de cette affaire que la fine politique des Lorrains appela le Tumulte d’Amboise. En apprenant l’arrivée du prince, les Lorrains envoyèrent au-devant de lui le maréchal de Saint-André suivi de cent hommes d’ordonnance. Quand le Béarnais et son escorte arrivèrent à la porte du château, le maréchal en refusa l’entrée aux gentilshommes du prince.

— Vous devez y entrer seul, monseigneur, dirent au prince le chancelier Olivier, le cardinal de Tournon et Birague qui se trouvèrent en dehors de la herse.

— Et pourquoi ?

— Vous êtes soupçonné de félonie, lui répliqua le chancelier.

Le prince, qui vit en ce moment sa suite cernée par le duc de Nemours, répondit tranquillement : — S’il en est ainsi, j’entrerai seul chez mon cousin et lui prouverai mon innocence.

Il mit pied à terre, causa dans une parfaite liberté d’esprit avec Birague, le cardinal de Tournon, le chancelier Olivier et le duc de Nemours, auxquels il demanda les détails du Tumulte.

— Monseigneur, dit le duc de Nemours, les rebelles avaient des intelligences dans Amboise. Le capitaine Lanoue y avait introduit des hommes d’armes qui leur ont ouvert cette porte, par où ils sont entrés dans la ville et de laquelle ils ont été les maîtres…

— C’est-à-dire que vous leur avez ouvert un sac, répondit le prince en regardant Birague.