Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/610

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dette ; elle fut courte, car aux premiers mots que dit le prince de Condé, François II la termina par ces terribles paroles : — Messieurs mes cousins, j’avais cru l’affaire d’Amboise terminée, il n’en est rien, et l’on veut nous faire regretter l’indulgence dont nous avons usé !

— Ce n’est pas tant le roi que messieurs de Guise qui nous parlent, répliqua le prince de Condé.

— Adieu, monsieur, fit le petit roi que la colère rendait pourpre.

Dans la grande salle, le prince eut le passage barré par les deux capitaines des gardes. Quand celui de la Compagnie Française s’avança, le prince tira une lettre de son pourpoint, et dit en face de toute la cour : — Pouvez-vous me lire ceci, monsieur de Maillé-Brézé ?

— Volontiers, dit le capitaine de la Compagnie Française.

« Mon cousin, venez en toute sûreté, je vous donne ma parole royale que vous le pouvez. Si vous avez besoin d’un sauf-conduit, ces présentes vous en serviront. »

— Signé ?… fit le malicieux et courageux bossu.

— Signé François, dit Maillé.

— Non, non, reprit le prince, il y a « votre bon cousin et ami François ! » — Messieurs, cria-t-il aux Écossais, je vous suis dans la prison où vous avez charge de me conduire de la part du roi. Il y a assez de noblesse en cette salle pour comprendre ceci !

Le profond silence qui régna dans la salle aurait dû éclairer les Guise ; mais le silence est ce que les princes écoutent le moins.

— Monseigneur, dit le cardinal de Tournon qui suivit le prince, depuis l’affaire d’Amboise, vous avez entrepris sur Lyon et à Mouvans en Dauphiné des choses contre l’autorité royale, desquelles le roi n’avait pas connaissance quand il vous écrivait ainsi.

— Fourbes ! s’écria le prince en riant.

— Vous avez fait une déclaration publique contre la messe et pour l’hérésie…

— Nous sommes maîtres en Navarre, dit le prince.

— Vous voulez dire le Béarn ? Mais vous devez hommage à la couronne, répondit le président de Thou.

— Ah ! vous êtes ici, président ? s’écria le prince avec ironie. Y êtes-vous avec tout le parlement ?

Sur ce mot, le prince jeta sur le cardinal un regard de mépris et quitta la salle : il comprit qu’on en voulait à sa tête. Lorsque