Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/611

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le lendemain messieurs de Thou, de Viole, d’Espesse, le procureur-général Bourdin et le greffier en chef Du Tillet entrèrent dans la prison, il les tint debout et leur exprima ses regrets de les voir chargés d’une affaire qui ne les regardait pas ; puis il dit au greffier : Écrivez ! et il dicta ceci :

« Moi, Louis de Bourbon, prince de Condé, pair du royaume, marquis de Conti, comte de Soissons, prince du sang de France, déclare refuser formellement de reconnaître aucune commission nommée pour me juger, attendu qu’en ma qualité et en vertu du privilége attaché à tout membre de la maison royale, je ne puis être accusé, entendu, jugé, que par le parlement garni de tous les pairs, toutes les chambres assemblées, et le roi séant en son lit de justice. »

— Vous deviez savoir cela mieux que d’autres, messieurs, c’est tout ce que vous aurez de moi. Pour le surplus, je me confie à mon droit et à Dieu !

Les magistrats procédèrent nonobstant le silence obstiné du prince. Le roi de Navarre était en liberté, mais observé ; sa prison était plus grande que celle du prince, ce fut toute la différence de sa position et de celle de son frère ; car la tête du prince de Condé et la sienne devaient tomber du même coup.

Christophe ne fut donc gardé si sévèrement au secret par les ordres du cardinal et du lieutenant-général du royaume, que pour donner aux magistrats une preuve de la culpabilité du prince. Les lettres saisies sur Lasagne, le secrétaire du prince, intelligibles pour des hommes d’État, n’étaient pas assez claires pour des juges. Le cardinal avait médité de confronter par hasard le prince et Christophe, qui n’avait pas été placé sans intention dans une salle basse de la tour de Saint-Agnan, dont la fenêtre donnait sur le préau. À chaque interrogatoire que les magistrats lui firent subir, Christophe se renferma dans un système de dénégation absolue, qui prolongea naturellement le procès jusqu’à l’ouverture des États.

Lecamus, qui n’avait pas manqué de se faire nommer député du Tiers-État par la bourgeoisie de Paris, arriva quelques jours après l’arrestation du prince à Orléans. Cette nouvelle, qui lui fut apprise à Étampes, redoubla ses inquiétudes, car il comprit, lui qui savait seul l’entrevue du prince et de son fils sous le Pont-au-Change, que le sort de Christophe était lié à celui de l’audacieux chef du parti de la Réformation. Aussi résolut-il d’étudier les té-