Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/617

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l’État en péril. Catherine, qui se vit alors dans un extrême danger, devait agir en grand roi. Aussi donna-t-elle alors la preuve de sa haute capacité ; mais il faut avouer qu’elle fut aussi très-bien servie par ses intimes. L’Hospital fit parvenir à la Reine un billet ainsi conçu : « Ne laissez pas mettre à mort un prince du sang par une commission, vous seriez bientôt enlevée aussi ! » Catherine envoya Birague au Vignay, pour faire dire au chancelier de venir aux États, malgré sa disgrâce. Birague arriva, cette nuit même, à trois lieues d’Orléans, avec L’Hospital, qui se déclarait ainsi pour la reine-mère. Chiverny, dont la fidélité fut alors à bon droit soupçonnée par messieurs de Guise, s’était sauvé d’Orléans ; et, par une marche qui faillit lui coûter la vie, il avait atteint Écouen en dix heures. Il apprit au connétable de Montmorency le péril de son neveu, le prince de Condé, et l’audace des Lorrains. Anne de Montmorency, furieux de savoir que le prince n’avait dû la vie qu’à la subite invasion du mal dont mourut François II, arrivait avec quinze cents chevaux et cent gentilshommes. Afin de mieux surprendre messieurs de Guise, il avait évité Paris en venant d’Écouen à Corbeil, et de Corbeil à Pithiviers par la vallée de l’Essonne.

— Capitaine contre capitaine, il y aura peu de laine, dit-il à l’occasion de cette marche hardie.

Anne de Montmorency, qui avait sauvé la France lors de l’invasion de Charles-Quint en Provence, et le duc de Guise, qui avait arrêté la seconde invasion de l’empereur à Metz, étaient en effet les deux plus grands hommes de guerre de la France à cette époque. Catherine avait attendu le moment précis de réveiller la haine du connétable disgracié par les Lorrains. Néanmoins, le marquis de Simeuse, commandant de Gien, en apprenant l’arrivée d’un corps aussi considérable que celui mené par le connétable, sauta sur son cheval, espérant pouvoir prévenir à temps le duc de Guise. Sûre que le connétable viendrait au secours de son neveu et pleine de confiance dans le dévouement du chancelier à la cause royale, la reine-mère avait ranimé les espérances et l’audace du parti de la Réforme. Les Coligny et les amis de la maison de Bourbon menacée avaient fait cause commune avec les partisans de la reine-mère. Une coalition entre des intérêts contraires attaqués par un ennemi commun, se forma sourdement au sein des États, où il fut hautement question de nommer Catherine régente du royaume, dans le cas où François II mourrait. Catherine, dont la foi dans