Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/629

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petit roi livide, la figure éteinte, les yeux sans lumière, mais bégayant le mot Marie et tenant la main de la jeune reine qui pleurait ; la duchesse de Guise debout, effrayée de l’audace de Catherine ; les deux princes lorrains, inquiets également, mais aux côtés de la reine-mère, et décidés à la faire arrêter par Maillé-Brézé ; enfin, le grand Ambroise Paré, assisté du médecin du roi et qui tenait ses instruments sans oser pratiquer son opération, pour laquelle un grand calme était aussi nécessaire que l’approbation des médecins.

— Monsieur le chancelier, dit Catherine, messieurs de Guise veulent autoriser sur la personne du roi une opération étrange, Ambroise offre de lui percer la tête. Moi, comme la mère, comme faisant partie du conseil de régence, je proteste contre ce qui me semble un crime de lèse-majesté. Les trois médecins sont pour une injection qui me semble tout aussi efficace et moins dangereuse que le sauvage procédé d’Ambroise.

En entendant ces paroles, il y eut une rumeur lugubre. Le cardinal laissa pénétrer le chancelier, et ferma la porte.

— Mais je suis lieutenant-général du royaume, dit le duc de Guise, et vous saurez, monsieur le chancelier, qu’Ambroise, chirurgien du roi, répond de sa vie.

— Ah ! les choses vont ainsi ! s’écria le grand Ambroise Paré, eh ! bien, voici ce que j’ai à faire. Il étendit le bras sur le lit. — Cette couche et le roi sont à moi, reprit-il. Je me fais seul maître et seul responsable, je connais les devoirs de ma charge, j’opérerai le roi, sans l’ordre des médecins…

— Sauvez-le ! dit le cardinal, et vous serez le plus riche homme de France.

— Allez donc, dit Marie Stuart en pressant la main d’Ambroise.

— Je ne puis rien empêcher, dit le chancelier, mais je vais constater la protestation de madame la reine-mère.

— Robertet ! s’écria le duc de Guise.

Quand Robertet fut entré, le lieutenant-général du royaume lui montra le chancelier.

— Vous êtes chancelier de France à la place de ce félon, lui dit-il. Monsieur de Maillé, emmenez monsieur de L’Hospital dans la prison du prince de Condé. Quant à vous, madame, dit-il à Catherine, votre protestation ne sera pas reçue, et vous devriez songer