Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/648

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envoyé de Bèze et Chaudieu. Mais en attendant, la reine-mère fut fidèle à ses promesses envers le prince de Condé. Le chancelier mit fin à la procédure qui regardait Christophe en évoquant l’affaire au parlement de Paris, qui cassa l’arrêt de la commission en la déclarant sans pouvoir pour juger un prince du sang. Le parlement recommença le procès à la sollicitation des Guise et de la reine-mère. Les papiers de La Sagne avaient été remis à Catherine qui les brûla. Cette remise fut un premier gage inutilement donné par les Guise à la reine-mère. Le parlement, ne trouvant plus ces preuves décisives, rétablit le prince dans tous ses droits, biens et honneurs. Christophe, délivré lors du tumulte d’Orléans à l’avénement du roi, fut mis hors de cause dès l’abord, et fut reçu, en dédommagement de ses souffrances, avocat au parlement, par les soins de M. de Thou.

Le Triumvirat, cette coalition future d’intérêts menacés par les premiers actes de Catherine, se préparait donc sous ses yeux. De même qu’en chimie les substances ennemies finissent par se séparer au premier choc qui trouble leur union forcée, de même en politique les alliances d’intérêts contraires ont peu de durée. Catherine comprenait bien que tôt ou tard elle reviendrait aux Guise et au connétable pour livrer bataille aux Huguenots. Ce Colloque qui flattait les amours-propres des orateurs de chaque parti, qui devait faire succéder une imposante cérémonie à celle du sacre et amuser le tapis sanglant de cette guerre religieuse commencée, était inutile aux yeux des Guise tout aussi bien qu’aux yeux de Catherine. Les Catholiques y perdaient, car les Huguenots allaient, sous prétexte de conférer, proclamer leur doctrine à la face de la France, sous la protection du roi et de sa mère. Le cardinal de Lorraine, flatté par Catherine d’y battre les hérétiques par l’éloquence des princes de l’Église, y fit consentir son frère. C’était beaucoup pour la reine-mère que six mois de paix.

Un petit événement faillit compromettre ce pouvoir que Catherine élevait si péniblement. Voici la scène, conservée par l’histoire et qui éclata le jour même où les envoyés de Genève arrivaient rue de Bussy, à l’hôtel de Coligny, près du Louvre. Au sacre, Charles IX, qui aimait beaucoup son précepteur Amyot, le nomma grand-aumônier de France. Cette amitié fut également partagée par le duc d’Anjou, Henri III, autre élève d’Amyot. Pendant le voyage de Reims à Paris, Catherine apprit cette nouvelle par les deux Gondi. Elle