Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/14

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son astrologue, son sorcier si l’on veut, que Catherine fit élever la colonne adossée à la Halle-au-Blé, seul débris qui reste de l’hôtel de Soissons. Cosme Ruggieri possédait, comme les confesseurs, une mystérieuse influence, de laquelle il se contentait comme eux. Il nourrissait d’ailleurs une ambitieuse pensée supérieure à l’ambition vulgaire. Cet homme, que les romanciers ou les dramaturges dépeignent comme un bateleur, possédait la riche abbaye de Saint-Mahé, en Basse-Bretagne, et avait refusé de hautes dignités ecclésiastiques l’or que les passions superstitieuses de cette époque lui apportaient abondamment suffisait à sa secrète entreprise, et la main de la reine, étendue sur sa tête, en préservait le moindre cheveu de tout mal.

Quant à la soif de domination qui dévorait Catherine, et qui fut engendrée par un désir inné d’étendre la gloire et la puissance de la maison de Médicis, cette instinctive disposition était si bien connue, ce génie politique s’était depuis longtemps trahi par de telles démangeaisons, que Henri II dit au connétable de Montmorency, qu’elle avait mis en avant pour sonder son mari : — Mon compère, vous ne connaissez pas ma femme ; c’est la plus grande brouillonne de la terre, elle ferait battre les saints dans le paradis, et tout serait perdu le jour où on la laisserait toucher aux affaires. Fidèle à sa défiance, ce prince occupa jusqu’à sa mort de soins maternels cette femme qui, menacée de stérilité, donna dix enfants à la race des Valois et devait en voir l’extinction. Aussi l’envie de conquérir le pouvoir fut-elle si grande, que Catherine s’allia, pour le saisir, avec les Guise, les ennemis du trône ; enfin, pour garder les rênes de l’État entre ses mains, elle usa de tous les moyens, en sacrifiant ses amis et jusqu’à ses enfants. Cette femme, de qui l’un de ses ennemis a dit à sa mort : — Ce n’est pas une reine, c’est la royauté qui vient de mourir, ne pouvait vivre que par les intrigues du gouvernement, comme un joueur ne vit que par les émotions du jeu. Quoique Italienne et de la voluptueuse race des Médicis, les Calvinistes, qui l’ont tant calomniée, ne lui découvrirent pas un seul amant. Admiratrice de la maxime : Diviser pour régner, elle venait d’apprendre, depuis douze ans, à opposer constamment une force à une autre. Aussitôt qu’elle prit en main la bride des affaires, elle fut obligée d’y entretenir la discorde pour neutraliser les forces de deux maisons rivales et sauver la couronne. Ce système nécessaire a justifié la prédiction de