Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/289

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— La mort ne vous effraie donc point ? dit en souriant monsieur Becker, qui ne la croyait pas malade.

— Non, cher pasteur. Il est deux manières de mourir : aux uns la mort est une victoire, aux autres elle est une défaite.

— Vous croyez avoir vaincu ? dit Minna.

— Je ne sais, répondit-elle ; peut-être ne sera-ce qu’un pas de plus.

La splendeur lactée de son front s’altéra, ses yeux se voilèrent sous ses paupières lentement déroulées. Ce simple mouvement fit les trois curieux émus et immobiles. Monsieur Becker fut le plus hardi.

— Chère fille, dit-il, vous êtes la candeur même ; mais vous êtes aussi d’une bonté divine ; je désirerais de vous, ce soir, autre chose que les friandises de votre thé. S’il faut en croire certaines personnes, vous savez des choses extraordinaires ; mais, s’il en est ainsi, ne serait-il pas charitable à vous de dissiper quelques-uns de nos doutes ?

— Ah ! reprit-elle en souriant, je marche sur les nuées, je suis au mieux avec les gouffres du Fiord, la mer est une monture à laquelle j’ai mis un frein, je sais où croît la fleur qui chante, où rayonne la lumière qui parle, où brillent et vivent les couleurs qui embaument ; j’ai l’anneau de Salomon, je suis une fée, je jette mes ordres au vent qui les exécute en esclave soumis ; je vois les trésors en terre ; je suis la vierge au-devant de laquelle volent les perles, et…

— Et nous allons sans danger sur le Falberg ? dit Minna qui l’interrompit.

— Et toi aussi ! répondit l’être en lançant à la jeune fille un regard lumineux qui la remplit de trouble. — Si je n’avais pas la faculté de lire à travers vos fronts le désir qui vous amène, serais-je ce que vous croyez que je suis ? dit-elle en les enveloppant tous trois de son regard envahisseur, à la grande satisfaction de David qui se frotta les mains en s’en allant. — Ah ! reprit-elle après une pause, vous êtes venus animés tous d’une curiosité d’enfant. Vous vous êtes demandé, mon pauvre monsieur Becker, s’il est possible à une fille de dix-sept ans de savoir un des mille secrets que les savants cherchent, le nez en terre, au lieu de lever les yeux vers le ciel ? Si je vous disais comment et par où la Plante communique à l’Animal, vous commenceriez à douter de vos doutes. Vous avez comploté de m’interroger, avouez-le ?