Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous n’avons presque plus de supériorités, parce que chaque homme représente la masse d’instruction de son siècle. Nous sommes entourés d’encyclopédies vivantes qui marchent, pensent, agissent et veulent s’éterniser. De là ces effrayantes secousses d’ambitions ascendantes et de passions délirantes : il nous faut d’autres mondes ; il nous faut des ruches prêtes à recevoir tous ces essaims, et surtout il faut beaucoup de jolies femmes.

Mais ensuite les maladies par lesquelles un homme est affligé ne produisent pas de non-valeur dans la masse totale des passions de l’homme. À notre honte, une femme ne nous est jamais si attachée que quand nous souffrons !…

À cette pensée, toutes les épigrammes dirigées contre le petit sexe (car c’est bien vieux de dire le beau sexe) devraient se désarmer de leurs pointes aiguës et se changer en madrigaux !… Tous les hommes devraient penser que la seule vertu de la femme est d’aimer, que toutes les femmes sont prodigieusement vertueuses, et fermer là le livre et la Méditation.

Ah ! vous souvenez-vous de ce moment lugubre et noir où, seul et souffrant, accusant les hommes, surtout vos amis ; faible, découragé et pensant à la mort, la tête appuyée sur un oreiller fadement chaud, et couché sur un drap dont le blanc treillis de lin s’imprimait douloureusement sur votre peau, vous promeniez vos yeux agrandis sur le papier vert de votre chambre muette ? vous souvenez-vous, dis-je, de l’avoir vue entr’ouvrant votre porte sans bruit, montrant sa jeune, sa blonde tête encadrée de rouleaux d’or et d’un chapeau frais, apparaissant comme une étoile dans une nuit orageuse, souriant, accourant moitié chagrine, moitié heureuse, se précipitant vers vous !

— Comment as-tu fait, qu’as-tu dit à ton mari ? demandez-vous.

Un mari !… Ah ! nous voici ramenés en plein dans notre sujet.


XV.

Moralement, l’homme est plus souvent et plus long-temps homme que la femme n’est femme.


Cependant nous devons considérer que parmi ces deux millions de célibataires, il y a bien des malheureux chez lesquels le sentiment profond de leur misère et des travaux obstinés éteigne