Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/379

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XVI.

Les mœurs sont l’hypocrisie des nations ; l’hypocrisie est plus ou moins perfectionnée.


XVII.

La vertu n’est peut-être que la politesse de l’âme.




L’amour physique est un besoin semblable à la faim, à cela près que l’homme mange toujours, et qu’en amour son appétit n’est pas aussi soutenu ni aussi régulier qu’en fait de table.

Un morceau de pain bis et une cruchée d’eau font raison de la faim de tous les hommes ; mais notre civilisation a créé la gastronomie.

L’amour a son morceau de pain, mais il a aussi cet art d’aimer, que nous appelons la coquetterie, mot charmant qui n’existe qu’en France, où cette science est née.

Eh ! bien, n’y a-t-il pas de quoi faire frémir tous les maris s’ils viennent à penser que l’homme est tellement possédé du besoin inné de changer ses mets, qu’en quelque pays sauvage où les voyageurs aient abordé, ils ont trouvé des boissons spiritueuses et des ragoûts ?

Mais la faim n’est pas si violente que l’amour ; mais les caprices de l’âme sont bien plus nombreux, plus agaçants, plus recherchés dans leur furie que les caprices de la gastronomie ; mais tout ce que les poètes et les événements nous ont révélé de l’amour humain arme nos célibataires d’une puissance terrible : ils sont les lions de l’Évangile cherchant des proies à dévorer.

Ici, que chacun interroge sa conscience, évoque ses souvenirs, et se demande s’il a jamais rencontré d’homme qui s’en soit tenu à l’amour d’une seule femme !

Comment, hélas ! expliquer pour l’honneur de tous les peuples le problème résultant de trois millions de passions brûlantes qui ne trouve pour pâture que quatre cent mille femmes ?… Veut-on distribuer quatre célibataires par femme, et reconnaître que les femmes honnêtes pourraient fort bien avoir établi, par instinct, et sans le savoir, une espèce de roulement entre elles et le