Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/405

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yeux le spectacle des infirmités humaines étalé par chaque borne en France, et de perfides cabinets littéraires ne leur vomissaient pas en secret le poison des livres instructeurs et incendiaires. Aussi, cette savante institutrice ne pouvait-elle guère qu’à Écouen vous conserver une demoiselle intacte et pure, si cela est possible. Vous espéreriez peut-être empêcher facilement votre femme de voir ses amies de pension ? folie ! elle les rencontrera au bal, au spectacle, à la promenade, dans le monde ; et combien de services deux femmes ne peuvent-elles pas se rendre !… Mais nous méditerons ce nouveau sujet de terreur en son lieu et place.

Ce n’est pas tout encore : si votre belle-mère a mis sa fille en pension, croyez-vous que ce soit par intérêt pour sa fille ? Une demoiselle de douze à quinze ans est un terrible argus ; et, si la belle-mère ne voulait pas d’argus chez elle, je commence à soupçonner que madame votre belle-mère appartient inévitablement à la partie la plus douteuse de nos femmes honnêtes. Donc, en toute occasion, elle sera pour sa fille ou un fatal exemple ou un dangereux conseiller.

Arrêtons-nous…, la belle-mère exige toute une Méditation.

Ainsi, de quelque côté que vous vous tourniez, le lit conjugal est, dans cette occurrence, également épineux.

Avant la révolution, quelques familles aristocratiques envoyaient les filles au couvent. Cet exemple était suivi par nombre de gens qui s’imaginaient qu’en mettant leurs filles là où se trouvaient celles d’un grand seigneur, elles en prendraient le ton et les manières. Cette erreur de l’orgueil était d’abord fatale au bonheur domestique ; puis les couvents avaient tous les inconvénients des pensionnats. L’oisiveté y règne plus terrible. Les grilles claustrales enflamment l’imagination. La solitude est une des provinces les plus chéries du diable ; et l’on ne saurait croire quel ravage les phénomènes les plus ordinaires de la vie peuvent produire dans l’âme de ces jeunes filles rêveuses, ignorantes et inoccupées.

Les unes, à force d’avoir caressé des chimères, donnent lieu à des quiproquo plus ou moins bizarres. D’autres, s’étant exagéré le bonheur conjugal, se disent en elles-mêmes : Quoi ! ce n’est que cela !… quand elles appartiennent à un mari. De toute manière l’instruction incomplète que peuvent acquérir les filles élevées en commun a tous les dangers de l’ignorance et tous les malheurs de la science.