Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/430

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connue. La force de la vapeur, celle des chevaux, des hommes ou de l’eau sont de bonnes inventions ; mais la nature a pourvu la femme d’une force morale à laquelle ces dernières ne sont pas comparables : nous la nommerons force de la crécelle. Cette puissance consiste dans une perpétuité de son, dans un retour si exact des mêmes paroles, dans une rotation si complète des mêmes idées, qu’à force de les entendre vous les admettrez pour être délivré de la discussion. Ainsi, la puissance de la crécelle vous prouvera :

Que vous êtes bien heureux d’avoir une femme d’un tel mérite ;

Qu’on vous a fait trop d’honneur en vous épousant ;

Que souvent les femmes voient plus juste que les hommes ;

Que vous devriez prendre en tout l’avis de votre femme, et presque toujours le suivre ;

Que vous devez respecter la mère de vos enfants, l’honorer, avoir confiance en elle ;

Que la meilleure manière de n’être pas trompé est de s’en remettre à la délicatesse d’une femme, parce que, suivant certaines vieilles idées que nous avons eu la faiblesse de laisser s’accréditer, il est impossible à un homme d’empêcher sa femme de le minotauriser ;

Qu’une femme légitime est la meilleure amie d’un homme ;

Qu’une femme est maîtresse chez elle, et reine dans son salon, etc.

Ceux qui, à ces conquêtes de la dignité de la femme sur le pouvoir de l’homme, veulent opposer une ferme résistance, tombent dans la catégorie des prédestinés.

D’abord, s’élèvent des querelles qui, aux yeux de leurs femmes, leur donnent un air de tyrannie. La tyrannie d’un mari est toujours une terrible excuse à l’inconséquence d’une femme. Puis, dans ces légères discussions, elles savent prouver à leurs familles, aux nôtres, à tout le monde, à nous-mêmes, que nous avons tort. Si, pour obtenir la paix, ou par amour, vous reconnaissez les droits prétendus de la femme, vous laissez à la vôtre un avantage dont elle profitera éternellement. Un mari, comme un gouvernement, ne doit jamais avouer de faute. Là, votre pouvoir serait débordé par le système occulte de la dignité féminine ; là, tout serait perdu ; dès ce moment elle marcherait de concession en concession jusqu’à vous chasser de son lit.

La femme étant fine, spirituelle, malicieuse, ayant tout le temps