Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/454

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tout, dans le but de ne rien présenter de dangereux à leur cœur ; mais en même temps leurs mères, leurs institutrices, répétaient d’une voix infatigable que toute la science d’une femme est dans la manière dont elle sait arranger cette feuille de figuier que prit notre mère Ève. Elles n’ont entendu pendant quinze ans, disait Diderot, rien autre chose que : — Ma fille, votre feuille de figuier va mal ; ma fille, votre feuille de figuier va bien ; ma fille, ne serait-elle pas mieux ainsi ?

Maintenez donc votre épouse dans cette belle et noble sphère de connaissances. Si par hasard votre femme voulait une bibliothèque, achetez-lui Florian, Malte-Brun, le Cabinet des Fées, les Mille et une Nuits, les Roses par Redouté, les Usages de la Chine, les Pigeons par madame Knip, le grand ouvrage sur l’Égypte, etc. Enfin, exécutez le spirituel avis de cette princesse qui, au récit d’une émeute occasionnée par la cherté du pain, disait : « Que ne mangent-ils de la brioche !… »

Peut-être votre femme vous reprochera-t-elle, un soir, d’être maussade et de ne pas parler ; peut-être vous dira-t-elle que vous êtes gentil, quand vous aurez fait un calembour ; mais ceci est un inconvénient très-léger de notre système : et, au surplus, que l’éducation des femmes soit en France la plus plaisante des absurdités et que votre obscurantisme marital vous mette une poupée entre les bras, que vous importe ? Comme vous n’avez pas assez de courage pour entreprendre une plus belle tâche, ne vaut-il pas mieux traîner votre femme dans une ornière conjugale bien sûre que de vous hasarder à lui faire gravir les hardis précipices de l’amour ? Elle aura beau être mère, vous ne tenez pas précisément à avoir des Gracchus pour enfants, mais à être réellement pater quem nuptiæ demonstrant : or, pour vous aider à y parvenir, nous devons faire de ce livre un arsenal où chacun, suivant le caractère de sa femme ou le sien, puisse choisir l’armure convenable pour combattre le terrible génie du mal, toujours près de s’éveiller dans l’âme d’une épouse ; et, tout bien considéré, comme les ignorants sont les plus cruels ennemis de l’instruction des femmes, cette Méditation sera un bréviaire pour la plupart des maris.

Une femme qui a reçu une éducation d’homme possède, à la vérité, les facultés les plus brillantes et les plus fertiles en bonheur pour elle et pour son mari ; mais cette femme est rare comme le bonheur même ; or, vous devez, si vous ne la possédez pas pour