Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/459

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femme, et sous le plus léger prétexte, pratiquez de fortes applications de sangsues ; ne craignez même pas de vous en appliquer vous-même quelques douzaines de temps à autre, pour faire prédominer chez vous le système de ce célèbre docteur. Votre état de mari vous oblige à toujours trouver votre femme trop rouge ; essayez même quelquefois de lui attirer le sang à la tête, pour avoir le droit d’introduire, dans certains moments, une escouade de sangsues au logis.

Votre femme boira de l’eau légèrement colorée d’un vin de Bourgogne agréable au goût, mais sans vertu tonique ; tout autre vin serait mauvais.

Ne souffrez jamais qu’elle prenne l’eau pure pour boisson, vous seriez perdu.

« Impétueux fluide ! au moment que tu presses contre les écluses du cerveau, vois comme elles cèdent à ta puissance ! La Curiosité paraît à la nage, faisant signe à ses compagnes de la suivre : elles plongent au milieu du courant. L’imagination s’assied en rêvant sur la rive. Elle suit le torrent des yeux, et change les brins de paille et de joncs en mâts de misaine et de beaupré. À peine la métamorphose est-elle faite, que le Désir, tenant d’une main sa robe retroussée jusqu’au genou, survient, les voit et s’en empare. Ô vous, buveurs d’eau ! est-ce donc par le secours de cette source enchanteresse, que vous avez tant de fois tourné et retourné le monde à votre gré ? Foulant aux pieds l’impuissant, écrasant son visage, et changeant même quelquefois la forme et l’aspect de la nature ? »

Si par ce système d’inaction, joint à notre système alimentaire, vous n’obteniez pas des résultats satisfaisants, jetez vous à corps perdu dans un autre système que nous allons développer.

L’homme a une somme donnée d’énergie. Tel homme ou telle femme est à tel autre, comme dix est à trente, comme un est a cinq, et il est un degré que chacun de nous ne dépasse pas. La quantité d’énergie ou de volonté, que chacun de nous possède, se déploie comme le son : elle est tantôt faible, tantôt forte ; elle se modifie selon les octaves qu’il lui est permis de parcourir. Cette force est unique, et bien qu’elle se résolve en désirs, en passions, en labeurs d’intelligence ou en travaux corporels, elle accourt là où l’homme l’appelle. Un boxeur la dépense en coups de poing, le boulanger à pétrir son pain, le poète dans une exaltation qui en