Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/503

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un visage adoré, s’introduit dans le palais de sa bien-aimée, comme par magie. Il arrive auprès de la chambre nuptiale. Elisa Pernetti, dont le cœur a partagé peut-être le désir de son amant, entend le bruit de ses pas et reconnaît la démarche. Elle voit à travers les murs une figure enflammée d’amour. Elle se lève du lit conjugal. Aussi légère qu’une ombre, elle atteint au seuil de la porte, embrasse d’un regard Ludovico tout entier, lui saisit la main, lui fait signe, l’entraîne : — Mais il te tuera !… dit-il. — Peut-être.

Mais tout cela n’est rien. Accordons à beaucoup de maris un sommeil léger. Accordons-leur de dormir sans ronfler et de toujours deviner sous quel degré de latitude se trouveront leurs femmes ! Bien plus, toutes les raisons que nous avons données pour condamner les lits jumeaux seront, si l’on veut, d’un faible poids. Eh ! bien, une dernière considération doit faire proscrire l’usage des lits réunis dans l’enceinte d’une même alcôve.

Dans la situation où se trouve un mari, nous avons considéré le lit nuptial comme un moyen de défense. C’est au lit seulement qu’il peut savoir chaque nuit si l’amour de sa femme croît ou décroît. Là est le baromètre conjugal. Or, coucher dans deux lits jumeaux, c’est vouloir tout ignorer. Vous apprendrez, quand il s’agira de la guerre civile (voir la Troisième Partie), de quelle incroyable utilité est un lit, et combien de secrets une femme y révèle involontairement.

Ainsi ne vous laissez jamais séduire par la fausse bonhomie des lits jumeaux.

C’est l’invention la plus sotte, la plus perfide et la plus dangereuse qui soit au monde. Honte et anathème à qui l’imagina !

Mais autant cette méthode est pernicieuse aux jeunes époux, autant elle est salutaire et convenable pour ceux qui atteignent à la vingtième année de leur mariage. Le mari et la femme font alors bien plus commodément les duos que nécessitent leurs catarrhes respectifs. Ce sera quelquefois à la plainte que leur arrachent, soit un rhumatisme, soit une goutte opiniâtre, ou même à la demande d’une prise de tabac, qu’ils pourront devoir les laborieux bienfaits d’une nuit animée par un reflet de leurs premières amours, si toutefois la toux n’est pas inexorable.

Nous n’avons pas jugé à propos de mentionner les exceptions qui, parfois, autorisent un mari à user des deux lits jumeaux. C’est des calamités à subir. Cependant l’opinion de Bonaparte était qu’une fois