Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/540

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n’entrez pas ! La comtesse se tut, car elle vit toutes ses compagnes dans la chambre. Elle regarda la reine. Hortense, qui avait autant d’indulgence que de curiosité, fit un geste, et toute sa suite se retira. Le jour même, l’officier part pour l’armée, arrive aux avant-postes, cherche la mort et la trouve. C’était un brave, mais ce n’était pas un philosophe.

On prétend qu’un de nos peintres les plus célèbres, ayant conçu pour la femme d’un de ses amis un amour qui fut partagé, eut à subir toutes les horreurs d’un semblable rendez-vous, que le mari avait préparé par vengeance ; mais, s’il faut en croire la chronique, il y eut une double honte ; et, plus sages que monsieur de B…, les amants, surpris par la même infirmité, ne se tuèrent ni l’un ni l’autre.

La manière de se comporter en rentrant chez soi dépend aussi de beaucoup de circonstances. Exemple.

Lord Catesby était d’une force prodigieuse. Il arrive, un jour, qu’en revenant d’une chasse au renard à laquelle il avait promis d’aller sans doute par feinte, il se dirige vers une haie de son parc où il disait voir un très-beau cheval. Comme il avait la passion des chevaux, il s’avance pour admirer celui-là de plus près. Il aperçoit lady Castesby, au secours de laquelle il était temps d’accourir, pour peu qu’il fût jaloux de son honneur. Il fond sur un gentleman, et en interrompt la criminelle conversation en le saisissant à la ceinture ; puis il le lance par-dessus la baie au bord d’un chemin. — Songez, monsieur, que c’est à moi qu’il faudra désormais vous adresser pour demander quelque chose ici !… lui dit-il sans emportement. — Eh ! bien, milord, auriez-vous la bonté de me jeter aussi mon cheval ?… Mais le lord flegmatique avait déjà pris le bras de sa femme, et lui disait gravement : — Je vous blâme beaucoup, ma chère créature, de ne pas m’avoir prévenu que je devais vous aimer pour deux. Désormais tous les jours pairs je vous aimerai pour le gentleman, et les autres jours pour moi-même.

Cette aventure passe, en Angleterre, pour une des plus belles rentrées connues. Il est vrai que c’était joindre avec un rare bonheur l’éloquence du geste à celle de la parole.

Mais l’art de rentrer chez soi, dont les principes ne sont que des déductions nouvelles du système de politesse et de dissimulation recommandé par nos Méditations antérieures, n’est que la