Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/583

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Vous laissez aller votre femme à Plombières ; mais elle y va parce que le capitaine Charles est en garnison dans les Vosges. Elle revient très-bien portante, et les eaux de Plombières lui ont fait merveille. Elle vous a écrit tous les jours, elle vous a prodigué, de loin, toutes les caresses possibles. Le principe de consomption dorsale a complétement disparu.

Il existe un petit pamphlet, sans doute dicté par la haine (il a été publié en Hollande), mais qui contient des détails fort curieux sur la manière dont madame de Maintenon s’entendait avec Fagon pour gouverner Louis XIV. Eh ! bien, un matin, votre docteur vous menacera, comme Fagon venait en menacer son maître, d’une apoplexie foudroyante, si vous ne vous mettez pas au régime. Cette bouffonnerie assez plaisante, sans doute l’œuvre de quelque courtisan, et qui a pour titre : Mademoiselle de Saint-Tron, a été devinée par l’auteur moderne qui a fait le proverbe intitulé Le jeune médecin. Mais sa délicieuse scène est bien supérieure à celle dont je cite le titre aux bibliophiles, et nous avouerons avec plaisir que l’œuvre de notre spirituel contemporain nous a empêchés, pour la gloire du dix-septième siècle, de publier les fragments du vieux pamphlet.

Souvent un docteur, devenu la dupe des savantes manœuvres d’une femme jeune et délicate, viendra vous dire en particulier : — Monsieur, je ne voudrais pas effrayer madame sur sa situation, mais je vous recommande, si sa santé vous est chère, de la laisser dans un calme parfait. L’irritation paraît se diriger en ce moment vers la poitrine, et nous nous en rendrons maîtres ; mais il lui faut du repos, beaucoup de repos : la moindre agitation pourrait transporter ailleurs le siége de la maladie. Dans ce moment-ci une grossesse la tuerait.

— Mais, docteur ?…

— Ah ! ah ! je sais bien !

Il rit, et s’en va.

Semblable à la baguette de Moïse, l’ordonnance doctorale fait et défait les générations. Un médecin vous réintègre au lit conjugal quand il le faut, avec les mêmes raisonnements qui lui ont servi à vous en chasser. Il traite votre femme de maladies qu’elle n’a pas pour la guérir de celles qu’elle a, et vous n’y concevrez jamais rien ; car le jargon scientifique des médecins peut se comparer à ces pains à chanter dans lesquels ils enveloppent leurs pilules.