Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/592

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parce que le docteur l’ordonne. Bref, elle va où elle veut, et fait ce qu’elle veut. Se rencontrera-t-il jamais un mari assez brutal pour s’opposer à de tels désirs, pour empêcher une femme d’aller chercher la guérison de maux si cruels ? car il a été établi par de longues discussions que les nerfs causent d’atroces souffrances.

Mais c’est surtout au lit que les vapeurs jouent leur rôle. Là, quand une femme n’a pas la migraine, elle a ses vapeurs ; quand elle n’a ni vapeurs ni migraine, elle est sous la protection de la ceinture de Vénus, qui, vous le savez, est un mythe.

Parmi les femmes qui vous livrent la bataille des vapeurs, il en existe quelques-unes plus blondes, plus délicates, plus sensibles que les autres, qui ont le don des larmes. Elles savent admirablement pleurer. Elles pleurent quand elles veulent, comme elles veulent, et autant qu’elles veulent. Elles organisent un système offensif qui consiste dans une résignation sublime, et remportent des victoires d’autant plus éclatantes qu’elles restent en bonne santé.

Un mari tout irrité arrive-t-il promulguer des volontés ? elles le regardent d’un air soumis, baissent la tête et se taisent. Cette pantomime contrarie presque toujours un mari. Dans ces sortes de luttes conjugales, un homme préfère entendre une femme parler et se défendre ; car alors on s’exalte, on se fâche ; mais ces femmes, point… leur silence vous inquiète, et vous emportez une sorte de remords, comme le meurtrier qui, n’ayant pas trouvé de résistance chez sa victime, éprouve une double crainte. Il aurait voulu assassiner à son corps défendant. Vous revenez. À votre approche, votre femme essuie ses larmes et cache son mouchoir de manière à vous laisser voir qu’elle a pleuré. Vous êtes attendri. Vous suppliez votre Caroline de parler, votre sensibilité vivement émue vous fait tout oublier ; alors, elle sanglote en parlant et parle en sanglotant, c’est une éloquence de moulin ; elle vous étourdit de ses larmes et de ses idées confuses et saccadées : c’est un claquet, c’est un torrent.

Les Françaises, et surtout les Parisiennes, possèdent à merveille le secret de ces sortes de scènes, auxquelles la nature de leurs organes, leur sexe, leur toilette, leur débit donnent des charmes incroyables. Combien de fois un sourire de malice n’a-t-il pas remplacé les larmes sur le visage capricieux de ces adorables comédiennes, quand elles voient leurs maris empressés ou de briser