Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/158

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ne quitte plus son fauteuil. Elle lit ! Chaque fois qu’elle va chez madame la comtesse, elle me dit : « Mariette, qu’elle dit, si monsieur vient, dites que je suis dans la maison, et envoyez-moi le portier ; il aura sa course bien payée ! »

— Pauvre cousine ! dit Bette, cela me fend le cœur. Je parle d’elle à mon cousin tous les jours. Que voulez-vous ? Il dit : « Tu as raison, Bette, je suis un misérable ; ma femme est un ange, et je suis un monstre : j’irai demain… » Et il reste chez madame Marneffe ; cette femme le ruine et il l’adore ; il ne vit que près d’elle. Moi, je fais ce que je peux ! Si je n’étais pas là, si je n’avais pas avec moi Mathurine, le baron aurait dépensé le double ; et, comme il n’a presque plus rien, il se serait déjà peut-être brûlé la cervelle. Eh bien ! Mariette, voyez-vous, Adeline mourrait de la mort de son mari, j’en suis sûre. Au moins je tâche de nouer là les deux bouts, et d’empêcher que mon cousin ne mange trop d’argent…

— Ah ! c’est ce que dit la pauvre madame ; elle connaît bien ses obligations envers vous, répondit Mariette ; elle disait vous avoir pendant long-temps mal jugée…

— Ah ! fit Lisbeth. Elle ne vous a pas dit autre chose ?

— Non, mademoiselle. Si vous voulez lui faire plaisir, parlez-lui de monsieur ; elle vous trouve heureuse de le voir tous les jours.

— Est-elle seule ?

— Faites excuse, le maréchal y est. Oh ! il vient tous les jours, et elle lui dit toujours qu’elle a vu monsieur le matin, qu’il rentre la nuit fort tard.

— Et y a-t-il un bon dîner, aujourd’hui ?… demanda Bette.

Mariette hésitait à répondre, elle soutenait mal le regard de la Lorraine, quand la porte du salon s’ouvrit, et le maréchal Hulot sortit si précipitamment, qu’il salua Bette sans la regarder, et laissa tomber des papiers. Bette ramassa ces papiers et courut dans l’escalier, car il était inutile de crier après un sourd ; mais elle s’y prit de manière à ne pas pouvoir rejoindre le maréchal, elle revint et lut furtivement ce qui suit écrit au crayon :

« Mon cher frère, mon mari m’a donné l’argent de la dépense pour le trimestre ; mais ma fille Hortense en a eu si grand besoin, que je lui ai prêté la somme entière, qui suffisait à peine à sortir d’embarras. Pouvez-vous me prêter quelques cents francs, car je ne veux pas redemander de l’argent à Hector ; un reproche de lui me ferait trop de peine. »