Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/169

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Lui aussi, il croyait le Brésilien dans la maison. Monsieur Marneffe accepta. Le maire était aussi fin que le baron ; il pouvait demeurer au logis indéfiniment en jouant avec le mari qui, depuis la suppression des jeux publics, se contentait du jeu rétréci, mesquin, du monde.

Le baron Hulot monta rapidement chez sa cousine Bette ; mais il trouva la porte fermée, et les demandes d’usage à travers la porte employèrent assez de temps pour permettre à des femmes alertes et rusées de disposer le spectacle d’une indigestion gorgée de thé. Lisbeth souffrait tant, qu’elle inspirait les craintes les plus vives à Valérie ; aussi Valérie fit-elle à peine attention à la rageuse entrée du baron. La maladie est un des paravents que les femmes mettent le plus souvent entre elles et l’orage d’une querelle. Hulot regarda partout à la dérobée, et il n’aperçut dans la chambre à coucher de la cousine Bette aucun endroit propre à cacher un Brésilien.

— Ton indigestion, Bette, fait honneur au dîner de ma femme, dit-il en examinant la vieille fille qui se portait à merveille, et qui tâchait d’imiter le râle des convulsions d’estomac en buvant du thé.

— Voyez comme il est heureux que notre chère Bette soit logée dans ma maison ! Sans moi, la pauvre fille expirait… dit madame Marneffe.

— Vous avez l’air de me croire au mieux, reprit Lisbeth en s’adressant au baron, et ce serait une infamie…

— Pourquoi ? demanda le baron, vous savez donc la raison de ma visite ?

Et il guigna la porte d’un cabinet de toilette d’où la clef était retirée.

— Parlez-vous grec ?… répondit madame Marneffe avec une expression déchirante de tendresse et de fidélité méconnues.

— Mais c’est pour vous, mon cher cousin, oui c’est par votre faute que je suis dans l’état où vous me voyez, dit Lisbeth avec énergie.

Ce cri détourna l’attention du baron qui regarda la vieille fille dans un étonnement profond.

— Vous savez si je vous aime, reprit Lisbeth, je suis ici, c’est tout dire. J’y use les dernières forces de ma vie, à veiller à vos intérêts en veillant à ceux de notre chère Valérie. Sa maison lui coûte dix fois moins cher qu’une autre maison qu’on voudrait tenir comme la sienne. Sans moi, mon cousin, au lieu de deux mille francs