Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le baron Hulot montra d’abord une figure soucieuse. Voici pourquoi : au moment de quitter son cabinet, il était venu voir le Directeur du Personnel, un général, son camarade depuis trente ans, et il lui avait parlé de nommer Marneffe à la place de Coquet, qui consentait à donner sa démission.

— Mon cher ami, lui dit-il, je ne voudrais pas demander cette faveur au maréchal sans que nous soyons d’accord et que j’aie eu votre agrément.

— Mon cher ami, répondit le Directeur du Personnel, permettez-moi de vous faire observer que, pour vous-même, vous ne devriez pas insister sur cette nomination. Je vous ai déjà dit mon opinion. Ce serait un scandale dans les bureaux, où l’on s’occupe déjà beaucoup trop de vous et de madame Marneffe. Ceci, bien entre nous. Je ne veux pas attaquer votre endroit sensible, ni vous désobliger en quoi que ce soit, je vais vous en donner la preuve. Si vous y tenez absolument, si vous voulez demander la place de monsieur Coquet, qui sera vraiment une perte pour les bureaux de la guerre (il y est depuis 1809), je partirai pour quinze jours à la campagne, afin de vous laisser le champ libre auprès du maréchal qui vous aime comme son fils. Je ne serai donc ni pour, ni contre, et je n’aurai rien fait contre ma conscience d’administrateur.

— Je vous remercie, répondit le baron, je réfléchirai à ce que vous venez de me dire.

— Si je me permets cette observation, mon cher ami, c’est qu’il y va beaucoup plus de votre intérêt personnel que de mon affaire ou de mon amour-propre. Le maréchal est le maître, d’abord. Puis, mon cher, on nous reproche tant de choses, qu’une de plus ou de moins ! nous n’en sommes pas à notre virginité en fait de critiques. Sous la Restauration, on a nommé des gens pour leur donner des appointements et sans s’embarrasser du service… Nous sommes de vieux camarades…

— Oui, répondit le baron, et c’est bien pour ne pas altérer notre vieille et précieuse amitié que je…

— Allons, reprit le Directeur du Personnel, en voyant l’embarras peint sur la figure de Hulot, je voyagerai, mon vieux… Mais prenez garde ! vous avez des ennemis, c’est-à-dire des gens qui convoitent votre magnifique traitement, et vous n’êtes amarré que sur une ancre. Ah ! si vous étiez député comme moi, vous ne craindriez rien ; aussi tenez-vous bien…