Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/233

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Ce discours, plein d’amitié, fit une vive impression sur le Conseiller-d’État.

— Mais enfin, Roger, qu’y a-t-il ? Ne faites pas le mystérieux avec moi !

Le personnage que Hulot nommait Roger, regarda Hulot, lui prit la main, la lui serra.

— Nous sommes de trop vieux amis pour que je ne vous donne pas un avis. Si vous voulez rester, il faudrait vous faire votre lit de repos vous-même. Ainsi, dans votre position, au lieu de demander au maréchal la place de monsieur Coquet pour monsieur Marneffe, je le prierais d’user de son influence pour me réserver le Conseil d’État en service ordinaire, où je mourrais tranquille ; et, comme le castor, j’abandonnerais ma Direction générale aux chasseurs.

— Comment, le maréchal oublierait…

— Mon vieux, le maréchal vous a si bien défendu en plein conseil des ministres, qu’on ne songe plus à vous dégommer ; mais il en a été question !… Ainsi ne donnez pas de prétextes… Je ne veux pas vous en dire davantage. En ce moment, vous pouvez faire vos conditions, être Conseiller-d’État et pair de France. Si vous attendez trop, si vous donnez prise sur vous, je ne réponds de rien… Dois-je voyager ?…

— Attendez, je verrai le maréchal, répondit Hulot, et j’enverrai mon frère sonder le terrain près du patron.

On peut comprendre en quelle humeur revint le baron chez madame Marneffe, il avait presque oublié qu’il était père, car Roger venait de faire acte de vraie et bonne camaraderie, en lui éclairant sa position. Néanmoins, telle était l’influence de Valérie, qu’au milieu du dîner, le baron se mit à l’unisson, et devint d’autant plus gai qu’il avait plus de soucis à étouffer ; mais le malheureux ne se doutait pas que, dans cette soirée, il allait se trouver entre son bonheur et le danger signalé par le Directeur du Personnel, c’est-à-dire forcé d’opter entre madame Marneffe et sa position. Vers onze heures, au moment où la soirée atteignait à son apogée d’animation, car le salon était plein de monde, Valérie prit avec elle Hector dans un coin de son divan.

— Mon bon vieux, lui dit-elle à l’oreille, ta fille s’est si fort irritée de ce que Wenceslas vient ici, qu’elle l’a planté là. C’est une mauvaise tête qu’Hortense. Demande à Wenceslas de voir la lettre que cette petite sotte lui a écrite. Cette séparation de deux