Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il s’agit de moi, qui deviendrai folle ! Ne le suis-je pas un peu déjà ?

— Pas si folle ! dit-il en prenant madame Hulot par les genoux, le père Crevel a son prix, puisque tu as daigné penser à lui, mon ange.

— Il paraît qu’il faut se laisser prendre les genoux ! pensa la sainte et noble femme en se cachant la figure dans les mains. Vous m’offriez jadis une fortune ! dit-elle en rougissant.

— Ah ! ma petite mère, il y a trois ans ! reprit Crevel. Oh ! vous êtes plus belle que je ne vous ai jamais vue !… s’écria-t-il en saisissant le bras de la baronne et le serrant contre son cœur. Vous avez de la mémoire, chère enfant, sapristi !… Eh bien ! voyez comme vous avez eu tort de faire la bégueule ! car les trois cent mille francs que vous avez noblement refusés sont dans l’escarcelle d’une autre. Je vous aimais et je vous aime encore ; mais reportons-nous à trois ans d’ici. Quand je vous disais : « Je vous aurai ! » quel était mon dessein ? Je voulais me venger de ce scélérat de Hulot. Or, votre mari, ma belle, a pris pour maîtresse un bijou de femme, une perle, une petite finaude alors âgée de vingt-trois ans, car elle en a vingt-six aujourd’hui. J’ai trouvé plus drôle, plus complet, plus Louis XV, plus maréchal de Richelieu, plus corsé de lui souffler cette charmante créature, qui d’ailleurs n’a jamais aimé Hulot, et qui depuis trois ans est folle de votre serviteur…

En disant cela, Crevel, des mains de qui la baronne avait retiré ses mains, s’était remis en position. Il tenait ses entournures et battait son torse de ses deux mains, comme par deux ailes, en croyant se rendre désirable et charmant. Il semblait dire :  — Voilà l’homme que vous avez mis à la porte !

— Voilà, ma chère enfant, je suis vengé, votre mari l’a su ! Je lui ai catégoriquement démontré qu’il était dindonné, ce que nous appelons refait au même… Madame Marneffe est ma maîtresse, et si le sieur Marneffe crève, elle sera ma femme…

Madame Hulot regardait Crevel d’un œil fixe et presque égaré.

— Hector a su cela ! dit-elle.

— Et il y est retourné ! répondit Crevel, et je l’ai souffert, parce que Valérie voulait être la femme d’un chef de bureau ; mais elle m’a juré d’arranger les choses de manière à ce que notre baron fût si bien roulé, qu’il ne reparût plus. Et ma petite duchesse