Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/291

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affaire, comme vous le verrez par la procédure que je vous envoie.

» En résumé, le baron Hulot d’Ervy a envoyé dans la province d’O… un de ses oncles pour tripoter sur les grains et sur les fourrages, en lui donnant pour complice un garde-magasin. Ce garde-magasin a fait des aveux pour se rendre intéressant, et a fini par s’évader. Le procureur du roi a mené rudement l’affaire, en ne voyant que deux subalternes en cause ; mais Johann Fischer, oncle de votre Directeur général, se voyant sur le point d’être traduit en cour d’assises, s’est poignardé dans sa prison avec un clou.

» Tout aurait été fini là, si ce digne et honnête homme, trompé vraisemblablement et par son complice et par son neveu, ne s’était pas avisé d’écrire au baron Hulot. Cette lettre, saisie par le parquet, a tellement étonné le procureur du roi qu’il est venu me voir. Ce serait un coup si terrible que l’arrestation et la mise en accusation d’un Conseiller-d’État, d’un Directeur général qui compte tant de bons et loyaux services, car il nous a sauvés tous après la Bérésina en réorganisant l’administration, que je me suis fait communiquer les pièces.

» Faut-il que l’affaire suive son cours ? faut-il, le principal coupable visible étant mort, étouffer ce procès en faisant condamner le garde-magasin par contumace ?

» Le procureur général consent à ce que les pièces vous soient transmises ; et le baron d’Ervy étant domicilié à Paris, le procès sera du ressort de votre Cour royale. Nous avons trouvé ce moyen, assez louche, de nous débarrasser momentanément de la difficulté.

» Seulement, mon cher maréchal, prenez un parti promptement. On parle déjà beaucoup trop de cette déplorable affaire qui nous ferait autant de mal qu’elle en causera, si la complicité du grand coupable, qui n’est encore connue que du procureur du roi, du juge d’instruction, du procureur général et de moi, venait à s’ébruiter. »

Là, ce papier tomba des mains du maréchal Hulot, il regarda son frère, il vit qu’il était inutile de compulser le dossier ; mais il chercha la lettre de Johann Fischer, et la lui tendit après l’avoir lue en deux regards.


« De la prison d’O…

» Mon neveu, quand vous lirez cette lettre, je n’existerai plus.