Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’apporterez, ainsi que mademoiselle. Monsieur le comte vous accompagnera chez vous pour vous donner sa signature.

L’artiste, sur un signe de Lisbeth, salua respectueusement le maréchal et sortit.

Le lendemain, à dix heures du matin, le comte de Forzheim se fit annoncer chez le prince de Wissembourg et fut aussitôt admis.

— Eh bien ! mon cher Hulot, dit le maréchal Cottin en présentant les journaux à son vieil ami, nous avons, vous le voyez, sauvé les apparences… Lisez.

Le maréchal Hulot posa les journaux sur le bureau de son vieux camarade et lui tendit deux cent mille francs.

— Voici ce que mon frère a pris à l’État, dit-il.

— Quelle folie ! s’écria le ministre. Il nous est impossible, ajouta-t-il en prenant le cornet que lui présenta le maréchal et lui parlant dans l’oreille, d’opérer cette restitution. Nous serions obligés d’avouer les concussions de votre frère, et nous avons tout fait pour les cacher…

— Faites-en ce que vous voudrez ; mais je ne veux pas qu’il y ait dans la fortune de la famille Hulot un liard de volé dans les deniers de l’État, dit le comte.

— Je prendrai les ordres du roi à ce sujet. N’en parlons plus, répondit le ministre en reconnaissant l’impossibilité de vaincre le sublime entêtement du vieillard.

— Adieu, Cottin, dit le vieillard en prenant la main du prince de Wissembourg, je me sens l’âme gelée… Puis, après avoir fait un pas, il se retourna, regarda le prince qu’il vit ému fortement, il ouvrit les bras pour l’y serrer, et le prince embrassa le maréchal. — Il me semble que je dis adieu, dit-il, à toute la Grande-Armée en ta personne…

— Adieu donc, mon bon et vieux camarade ! dit le ministre.

— Oui, adieu, car je vais où sont tous ceux de nos soldats que nous avons pleurés…

En ce moment, Claude Vignon entra. Les deux vieux débris des phalanges napoléoniennes se saluèrent gravement en faisant disparaître toute trace d’émotion.

— Vous avez dû, mon prince, être content des journaux ? dit le futur maître des requêtes. J’ai manœuvré de manière à faire croire aux feuilles de l’Opposition qu’elles publiaient nos secrets…

— Malheureusement, tout est inutile, répliqua le ministre qui