Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bien-être dont sa famille allait jouir, elle offrait la suave majesté des ruines. À chaque lueur d’espoir évanouie, à chaque recherche inutile, Adeline tombait dans des mélancolies noires qui désespéraient ses enfants. La baronne, partie le matin avec une espérance, était impatiemment attendue. Un intendant-général, l’obligé de Hulot, à qui ce fonctionnaire devait sa fortune administrative, disait avoir aperçu le baron dans une loge au théâtre de l’Ambigu-Comique avec une femme d’une beauté splendide. Adeline était allée chez le baron Vernier. Ce haut fonctionnaire, tout en affirmant avoir vu son vieux protecteur, et prétendant que sa manière d’être avec cette femme pendant la représentation accusait un mariage clandestin, venait de dire à madame Hulot que son mari, pour éviter de le rencontrer, était sorti bien avant la fin du spectacle. — Il était comme un homme en famille, et sa mise annonçait une gêne cachée, ajouta-t-il en terminant.

— Eh bien ? dirent les trois femmes à la baronne.

— Eh bien ! monsieur Hulot est à Paris ; et c’est déjà pour moi, répondit Adeline, un éclair de bonheur que de le savoir près de nous.

— Il ne paraît pas s’être amendé ! dit Lisbeth quand Adeline eut fini de raconter son entrevue avec le baron Vernier, il se sera mis avec une petite ouvrière. Mais où peut-il prendre de l’argent ? Je parie qu’il en demande à ses anciennes maîtresses, à mademoiselle Jenny Cadine ou à Josépha.

La baronne eut un redoublement dans le jeu constant de ses nerfs, elle essuya les larmes qui lui vinrent aux yeux, et les leva douloureusement vers le ciel.

— Je ne crois pas qu’un grand-officier de la Légion-d’Honneur soit descendu si bas, dit-elle.

— Pour son plaisir, reprit Lisbeth, que ne ferait-il pas ? il a volé l’État, il volera les particuliers, il assassinera peut-être.

— Oh ! Lisbeth ! s’écria la baronne, garde ces pensées-là pour toi.

En ce moment, Louise vint jusqu’au groupe formé par la famille, auquel s’étaient joints les deux petits Hulot et le petit Wenceslas pour voir si les poches de leur grand’mère contenaient des friandises.

— Qu’y a-t-il, Louise ?… demanda-t-on.

— C’est un homme qui demande mademoiselle Fischer.