Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/375

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enflées et couvertes de pustules verdâtres ; les ongles déchaussés restent dans les plaies qu’elle gratte ; enfin toutes les extrémités se détruisent dans la sanie qui les ronge.

— Mais la cause de ces désordres ? demanda l’avocat.

— Oh ! dit Bianchon, la cause est dans une altération rapide du sang, il se décompose avec une effrayante rapidité. J’espère attaquer le sang, je l’ai fait analyser ; je rentre prendre chez moi le résultat du travail de mon ami le professeur Duval, le fameux chimiste, pour entreprendre un de ces coups désespérés que nous jouons quelquefois contre la mort.

— Le doigt de Dieu est là ! dit la baronne d’une voix profondément émue. Quoique cette femme m’ait causé des maux qui m’ont fait appeler, dans des moments de folie, la justice divine sur sa tête, je souhaite, mon Dieu ! que vous réussissiez, monsieur le docteur.

Hulot fils avait le vertige, il regardait sa mère, sa sœur et le docteur alternativement, en tremblant qu’on ne devinât ses pensées. Il se considérait comme un assassin. Hortense, elle, trouvait Dieu très-juste. Célestine reparut pour prier son mari de l’accompagner.

— Si vous y allez, madame, et vous, monsieur, restez à un pied de distance du lit des malades, voilà toute la précaution. Ni vous ni votre femme ne vous avisez d’embrasser le moribond ! Aussi devez-vous accompagner votre femme, monsieur Hulot, pour l’empêcher de transgresser cette ordonnance.

Adeline et Hortense, restées seules, allèrent tenir compagnie à Lisbeth. La haine d’Hortense contre Valérie était si violente, qu’elle ne put en contenir l’explosion.

— Cousine ! ma mère et moi nous sommes vengées !… s’écria-t-elle. Cette venimeuse créature se sera mordue, elle est en décomposition !

— Hortense, dit la baronne, tu n’es pas chrétienne en ce moment. Tu devrais prier Dieu de daigner inspirer le repentir à cette malheureuse.

— Que dites-vous ? s’écria la Bette en se levant de sa chaise, parlez-vous de Valérie ?

— Oui, répondit Adeline, elle est condamnée, elle va mourir d’une horrible maladie, dont la description seule donne le frisson.

Les dents de la cousine Bette claquèrent, elle fut prise d’une sueur froide, elle eut une secousse terrible qui révéla la profondeur de son amitié passionnée pour Valérie.