Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/527

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m’espionner… Dieu vous a puni ! c’est bien fait ! Et moi qui me donne un effort pour vous porter dans mes bras, que je risque d’être blessée pour le reste de mes jours. Ah ! mon Dieu ! et la porte que j’ai laissée ouverte…

— Avec qui causiez-vous ?

— En voilà des idées ! s’écria la Cibot. Ah çà ! suis-je votre esclave ? ai-je des comptes à vous rendre ? Savez-vous que si vous m’ennuyez ainsi, je plante tout là ! Vous prendrez n’une garde !

Pons, épouvanté de cette menace, donna sans le savoir à la Cibot la mesure de ce qu’elle pouvait tenter avec cette épée de Damoclès.

— C’est ma maladie ! dit-il piteusement.

— À la bonne heure ! répliqua la Cibot rudement.

Elle laissa Pons confus, en proie à des remords, admirant le dévouement criard de sa garde-malade, se faisant des reproches, et ne sentant pas le mal horrible par lequel il venait d’aggraver sa maladie en tombant ainsi sur les dalles de la salle à manger. La Cibot aperçut Schmucke qui montait l’escalier.

— Venez, monsieur… Il y a de tristes nouvelles ! allez ! monsieur Pons devient fou !… Figurez-vous qu’il s’est levé tout nu, qu’il m’a suivie, non, il s’est étendu là, tout de son long… Demandez-lui pourquoi, il n’en sait rien… Il va mal. Je n’ai rien fait pour le provoquer à des violences pareilles, à moins de lui avoir réveillé les idées en lui parlant de ses premières amours… Qui est-ce qui connaît les hommes ! C’est tous vieux libertins… J’ai eu tort de lui montrer mes bras, que ses yeux en brillaient comme des escarboucles…

Schmucke écoutait madame Cibot, comme s’il l’entendait parlant hébreu.

— Je me suis donné un effort que j’en serai blessée pour jusqu’à la fin de mes jours !… ajouta la Cibot en paraissant éprouver de vives douleurs et pensant à mettre à profit l’idée qu’elle avait eue, par hasard, en sentant une petite fatigue dans les muscles. Je suis si bête ! Quand je l’ai vu là, par terre, je l’ai pris dans mes bras, et je l’ai porté jusqu’à son lit, comme un enfant, quoi ! Mais, maintenant je sens un effort ! Ah ! je me trouve mal !… je descends chez moi, gardez notre malade. Je vas envoyer Cibot chercher monsieur Poulain pour moi ! J’aimerais mieux mourir que de me voir infirme…