Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/608

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fusé de dire un mot sur le testament tout aussi bien à Fraisier qu’à madame Cibot. Naturellement l’homme de loi regarda la danseuse et se promit de tirer parti de cette visite in extremis.

— Ma chère madame Cibot, dit Fraisier, voici pour vous le moment critique.

— Ah ! oui !… dit-elle, mon pauvre Cibot !… quand je pense qu’il ne jouira pas de ce que je pourrais avoir…

— Il s’agit de savoir si monsieur Pons vous a légué quelque chose ; enfin si vous êtes sur le testament ou si vous êtes oubliée, dit Fraisier en continuant. Je représente les héritiers naturels, et vous n’aurez rien que d’eux dans tous les cas… Le testament est olographe, il est, par conséquent, très vulnérable… Savez-vous où notre homme l’a mis ?…

— Dans une cachette du secrétaire, et il en a pris la clef, répondit-elle, il l’a nouée au coin de son mouchoir, et il a serré le mouchoir sous son oreiller… J’ai tout vu.

— Le testament est-il cacheté ?

— Hélas ! oui !

— C’est un crime que de soustraire un testament et de le supprimer, mais ce n’est qu’un délit de le regarder ; et, dans tous les cas, qu’est-ce que c’est ? des peccadilles qui n’ont pas de témoins ! A-t-il le sommeil dur, notre homme ?…

— Oui ; mais quand vous avez voulu tout examiner et tout évaluer, il devait dormir comme un sabot, et il s’est réveillé… Cependant, je vais voir ! Ce matin, j’irai relever monsieur Schmucke sur les quatre heures du matin, et, si vous voulez venir, vous aurez le testament à vous pendant dix minutes…

— Eh bien ! c’est entendu, je me lèverai sur les quatre heures, et je frapperai tout doucement…

— Mademoiselle Rémonencq, qui me remplacera près de Cibot, sera prévenue, et tirera le cordon ; mais frappez à la fenêtre pour n’éveiller personne.

— C’est entendu, dit Fraisier, vous aurez de la lumière, n’est-ce pas ? une bougie, cela me suffira…

À minuit, le pauvre Allemand, assis dans un fauteuil, navré de douleur, contemplait Pons, dont la figure crispée, comme l’est celle d’un moribond, s’affaissait, après tant de fatigues, à faire croire qu’il allait expirer.

— Je pense que j’ai juste assez de force pour aller jusqu’à de-