Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/617

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drai ma parole. Jusqu’à présent, tout, dans cette affaire, était hypothétique ; maintenant, elle vaut des billets de Banque… Vous n’aurez pas moins de douze cents francs de rente viagère… Mais il faudra, ma chère dame Cibot, obéir à mes ordres, et les exécuter avec intelligence.

— Oui, mon cher monsieur Fraisier, dit avec une servile souplesse la portière entièrement matée.

— Eh bien ! adieu, repartit Fraisier en quittant la loge et emportant le dangereux testament.

Il revint chez lui tout joyeux, car ce testament était une arme terrible.

— J’aurai, pensait-il, une bonne garantie contre la bonne foi de madame la présidente de Marville. Si elle s’avisait de ne pas tenir sa parole, elle perdrait la succession.

Au petit jour, Rémonencq, après avoir ouvert sa boutique et l’avoir laissée sous la garde de sa sœur, vint, selon une habitude prise depuis quelques jours, voir comment allait son bon ami Cibot, et trouva la portière qui contemplait le tableau de Metzu en se demandant comment une petite planche peinte pouvait valoir tant d’argent.

— Ah ! ah ! c’est le seul, dit-il en regardant par-dessus l’épaule de la Cibot, que monsieur Magus regrettait de ne pas avoir, il dit qu’avec cette petite chose-là, il ne manquerait rien à son bonheur.

— Qu’en donnerait-il ? demanda la Cibot.

— Mais si vous me promettez de m’épouser dans l’année de votre veuvage, répondit Rémonencq, je me charge d’avoir vingt mille francs d’Élie Magus, et si vous ne m’épousez pas, vous ne pourrez jamais vendre ce tableau plus de mille francs.

— Et pourquoi ?

— Mais vous seriez obligée de signer une quittance comme propriétaire, et vous auriez alors un procès avec les héritiers. Si vous êtes ma femme, c’est moi qui le vendrai à monsieur Magus, et on ne demande rien à un marchand que l’inscription sur son livre d’achats, et j’écrirai que monsieur Schmucke me l’a vendu. Allez, mettez cette planche chez moi… si votre mari mourait, vous pourriez être bien tracassée, et personne ne trouvera drôle que j’aie chez moi un tableau… Vous me connaissez bien. D’ailleurs, si vous voulez, je vous en ferai une reconnaissance.