Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/632

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se glissa l’enragé courtier, qui voulait avoir une solution pour sa commande. La Sauvage, en observation sur le pas de la porte cochère, monta Schmucke presque évanoui dans ses bras, aidée par Rémonencq et par le courtier de la maison Sonet.

— Il va se trouver mal !… s’écria le courtier, qui voulait terminer l’affaire qu’il disait commencée.

— Je le crois bien ! répondit madame Sauvage ; il pleure depuis vingt-quatre heures, et il n’a rien voulu prendre. Rien ne creuse l’estomac comme le chagrin.

— Mais, mon cher client, lui dit le courtier de la maison Sonet, prenez donc un bouillon. Vous avez tant de choses à faire : il faut aller à l’Hôtel de Ville, acheter le terrain nécessaire pour le monument que vous voulez élever à la mémoire de cet ami des Arts, et qui doit témoigner de votre reconnaissance.

— Mais cela n’a pas de bon sens, dit madame Cantinet à Schmucke en arrivant avec un bouillon et du pain.

— Songez, mon cher monsieur, si vous êtes si faible que cela, reprit Rémonencq, songez à vous faire représenter par quelqu’un, car vous avez bien des affaires sur les bras : il faut commander le convoi ! vous ne voulez pas qu’on enterre votre ami comme un pauvre.

— Allons, allons, mon cher monsieur ! dit la Sauvage en saisissant un moment où Schmucke avait la tête inclinée sur le dos du fauteuil.

Elle entonna dans la bouche de Schmucke une cuillerée de potage, et lui donna presque malgré lui à manger comme à un enfant.

— Maintenant, si vous étiez sage, monsieur, puisque vous voulez vous livrer tranquillement à votre douleur, vous prendriez quelqu’un pour vous représenter…

— Puisque monsieur, dit le courtier, a l’intention d’élever un magnifique monument à la mémoire de son ami, il n’a qu’à me charger de toutes les démarches, je les ferai…

— Qu’est-ce que c’est ? qu’est-ce que c’est ? dit la Sauvage. Monsieur vous a commandé quelque chose ! Qui donc êtes-vous ?

— L’un des courtiers de la maison Sonet, ma chère dame, les plus forts entrepreneurs de monuments funéraires… dit-il en tirant une carte et la présentant à la puissante Sauvage.

— Eh bien ! c’est bon, c’est bon !… on ira chez vous quand on le jugera convenable ; mais ne faut pas abuser de l’état dans le-